Depuis février dernier, plusieurs drones se sont écrasés dans l’Ouest du Kazakhstan, tandis que des attaques revendiquées par l’Ukraine ont visé la station Kropotkinskaïa du Caspian Pipeline Consortium, essentielle à l’exportation du pétrole kazakh. Ces incidents suscitent des inquiétudes croissantes dans le pays quant à sa sécurité aérienne et à sa neutralité diplomatique.
La découverte de plusieurs drones écrasés sur le territoire kazakh soulève des interrogations sur la vulnérabilité de l’espace aérien national. Selon le média kazakh Orda, un objet volant inconnu a été retrouvé le 18 février dernier près du village d’Ouïaly, dans le district de Bokeïordinsky.
D’après Orda, il pourrait s’agir d’un drone russe de type Orlan-10, bien que son identification officielle reste floue. Un mois plus tard, le 18 mars, un drone d’environ trois mètres de long s’est écrasé dans le district de Taskalinsky. À peine une semaine plus tard, le 25 mars, un troisième drone a été retrouvé dans le district de Janybek, frontalier des régions russes de Volgograd et Saratov.
Des drones russes ou ukrainiens ?
La difficulté à identifier la provenance exacte des drones complique la réaction kazakhe. Orda affirme que l’objet découvert à Taskalinsky était un drone de type Geran-2, la version russe du Shahed-136 iranien. Cette analyse est partagée par plusieurs experts, dont Daoulet Joumabekov, qui y voit un accident lié à une perte de contrôle, probablement due à la guerre électronique ukrainienne. En février, un autre drone avait d’abord été identifié comme une Crécerelle française, mais selon Orda, les spécialistes ukrainiens affirment qu’il s’agissait bien d’un Orlan-10 russe.
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Le Caspian Pipeline Consortium visé
Parallèlement aux chutes de drones sur son territoire, le Kazakhstan est concerné par les attaques menées contre les infrastructures énergétiques liées à son pétrole. Le 17 février dernier, puis le 24 mars, la station de pompage Kropotkinskaïa du Caspian Pipeline Consortium (CPC), située dans le territoire russe de Krasnodar, a été la cible de frappes par drones. Selon Orda, ces attaques ont entraîné une baisse du volume de transport du pétrole kazakh de près de 30 %.
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D’après le site officiel de la CPC, la station caucasienne a expédié en 2024 environ 1,51 millions de tonnes de pétrole, dont la majorité en provenance du Kazakhstan. Le vice-ministre kazakh de l’Énergie, Alibek Jamaouov, a reconnu que le Kazakhstan avait dû réduire le volume de ses exportations via cette route, comme l’indique Tengrinews.
La neutralité diplomatique sous pression
Face à ces tensions, le Kazakhstan tente de maintenir une position d’équilibre. Comme le rapporte Kapital, des négociations diplomatiques sont en cours avec l’Ukraine. Alibek Kouantyrov, vice-ministre des Affaires étrangères, a confirmé ces discussions et précisé que la partie ukrainienne était « consciente » de la situation.
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Le pays insiste cependant sur la prudence. Selon Eurasianet, les autorités kazakhes affirment que la réception du pétrole kazakh par le CPC se poursuit normalement. Pourtant, des voix s’élèvent pour appeler à plus de clarté. Le député Nikita Chatalov a demandé une compensation pour les pertes subies par les attaques contre les installations du consortium, d’après Kapital.
Une défense aérienne questionnée
Les incidents révèlent également les limites de la défense aérienne kazakhe, notamment dans l’Ouest du pays. D’après l’expert Daoulet Joumabekov, cité par Orda, le Kazakhstan ne disposerait pas de moyens de guerre électronique suffisants pour intercepter des drones militaires modernes. Par ailleurs, en vertu d’un accord bilatéral, la Russie est censée assurer la couverture aérienne du Nord du Kazakhstan, ce qui pourrait complexifier davantage les responsabilités en cas d’incident.
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L’accumulation de ces événements, même s’ils ne semblent pas être dirigés intentionnellement contre le Kazakhstan, montre que le conflit russo-ukrainien ne se limite plus à ses frontières. Comme le rappelle Eurasianet, le pays se retrouve malgré lui pris dans une guerre dont il tente de rester à distance, mais dont les drones franchissent désormais les lignes de neutralité.
Nine Apperry
Rédactrice pour Novastan
Relu par Léna Marin
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