Initialement prévue pour 2020, l’élection présidentielle kazakhe se déroulera le 9 juin prochain. Petit aperçu rétrospectif de la cartographie du vote kazakh aux législatives et aux dernières élections présidentielles.
Novastan reprend et traduit ici un article initialement publié par le média kazakh Vlast.
Pour la première fois depuis l’indépendance du Kazakhstan, l’élection présidentielle du 9 juin prochain se fera sans Noursoultan Nazarbaïev, heureux gagnant des cinq précédentes élections. Dimanche, six candidats feront face à Kassym-Jomart Tokaïev, candidat du parti Nour-Otan et successeur officiel. Daniya Yespaïeva, candidate du parti démocrate libéral Ak Jol ; Sadybek Tugel, représentant du mouvement républicain Uly Dala Qyrandary ; Jambyl Akhmetbekov pour le parti communiste ; Toleutaï Rakhimbekov pour défendre le parti social-démocrate ; Amangeldy Taspikhov, candidat de la Fédération des syndicats kazakhs ; et enfin Amirjan Kossanov pour le mouvement Oult-Tagdyry.
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Bien que l’issue de l’élection semble acquise, il est pertinent de s’interroger sur la géographie du vote au Kazakhstan. Quelles régions soutiennent le pouvoir en place ? Où l’opposition bénéficie-t-elle du support des électeurs ? Quelle importance revêt le parti communiste plus de 25 ans après l’implosion de l’Union soviétique ?
Un vote traditionnellement en faveur du pouvoir en place
De manière générale, le soutien à l’opposition dans le pays est faible. Seules deux élections font exception : les législatives de 2004 et la présidentielle de 2005, au cours desquelles l’opposition a reçu un soutien important dans la quasi-totalité du pays, avant que la situation ne change rapidement. À titre d’exemple, le parti présidentiel Otan – prédécesseur de l’actuel Nour-Otan et principal parti politique kazakh – n’a remporté que 34,49% des voix en 2004 contre 86,67% aux élections législatives de 2007 dans la province de Kyzylorda, dans le sud-ouest du pays.
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Une configuration similaire a été observée dans les provinces d’Atyraou et de Manguistaou dans l’ouest : au début des années 2000, elles s’étaient prononcées en faveur de l’opposition, avant que les résultats des élections ne changent de façon spectaculaire.
Au contraire, dans le nord du pays, l’opposition n’a jamais bénéficié d’un soutien significatif. Là encore, l’exception est à chercher dans l’élection de 2004 : à cette occasion, la province de Pavlodar, dans le nord-est du pays, a soutenu le bloc d’opposition du Parti communiste du Kazakhstan et Choix démocratique du Kazakhstan (KPK/DVK), dont l’un des leaders était le gouverneur de la province, Galymjan Jakiyanov. De même, dans le centre et l’est du pays, une majorité absolue a toujours voté pour le pouvoir, que la véritable opposition ait participé ou non aux élections.
Enfin, à la capitale Nour-Soultan, anciennement Astana, les électeurs votent habituellement pour le pouvoir en place. En effet, dans la ville qui porte désormais son nom, les indicateurs de soutien à Noursoultan Nazarbaïev et à son parti ont toujours été très élevés, bien qu’en 2004 le parti Otan n’y a obtenu qu’un peu plus de la moitié des voix, son chiffre le plus bas jamais enregistré.
Almaty, centre de l’opposition
Depuis le début des années 2000, Almaty, l’ancienne capitale du Kazakhstan, se caractérise par son appui à l’opposition dont les partis obtiennent près d’un quart des voix aux élections. Almaty est la seule région où le Parti social-démocrate national (NSDP) a dépassé le seuil d’éligibilité aux dernières élections législatives de 2012 et 2016, obtenant un taux étonnamment stable de près de 10%.
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Auparavant, les régions du sud et de l’ouest du pays avaient également voté activement pour l’opposition. En 2004, pour la seule fois dans l’histoire électorale du pays, le parti d’opposition Ak Jol a vaincu le parti au pouvoir dans la région de Kyzylorda et a joui d’un soutien de poids dans la région de Manguistaou. En 2005, à l’élection présidentielle, le candidat de l’opposition Jarmakhan Tuyakbai a recueilli plus de 10% des voix dans trois régions ; Manguistaou, Kyzylorda et Atyraou.
Quelles régions votent pour l’opposition
Province de Manguistaou |
Législatives de 2004- Ak Jol 32,75% Présidentielles de 2005- Jarmakhan Tuyakbay 20,40% |
Province d’Atyraou |
2004- Ak Jol 7,55% 2005- Jarmakhan Tuyakbay 11,44% |
Province de Kyzylorda |
2004- Ak Jol 37,95% 2005- Jarmakhan Tuyakbay 16,22% |
Province du Kazakhstan-occidental |
2005- Jarmakhan Tuyakbay 9,5% |
Province du Kazakhstan-méridional |
2004- Ak Jol 9,92% 2005- Jarmakhan Tuyakbay 7,89% |
Province du Kazakhstan-oriental |
2005- Jarmakhan Tuyakbay 7,29% |
Province de Pavlodar |
2004- bloc de l’opposition KPK/DVK 15,68% |
Province d’Aktioubé |
2004- Ak Jol 10,98% |
Province de Karaganda |
2004- Ak Jol 14,52% |
Province d’Aqmola |
2004- Ak Jol 9,51% |
Province d’Almaty |
2004- Ak Jol 14,33% |
Province de Kostanaï |
2004- Ak Jol 7,8% |
Astana |
2004- Ak Jol 16,77% Législatives de 2007 – NSDP 8,72% |
Almaty |
2004- Ak Jol 23,7% 2005- Jarmakhan Tuyakbay 8,97% 2007- NSDP 22,71% 2012- NSDP 10,62% 2016- NSDP 9,99% |
Les régions « rouges »
Les candidats du Parti populaire communiste (KNPK) ont participé à trois reprises aux élections présidentielles et ont obtenu à peu près le même résultat à chaque fois : 1 à 2% des suffrages. En revanche, il est intéressant de constater que lors des élections législatives, le Parti présente des résultats différents et stables, qui lui permettent d’assurer son passage au Majilis, la chambre basse du Parlement du Kazakhstan. Une telle situation est également observée pour le parti Ak Jol.
Néanmoins, il convient de nuancer ces résultats. Aux deux dernières élections législatives de 2016 et 2012, le Parti populaire communiste n’a pas même atteint les 9% des suffrages dans une seule région, ses résultats s’étalant de 5 à 8,5%, et ne lui permettant d’obtenir qu’un peu plus de 7% des suffrages exprimés globalement.
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À deux reprises (2012 et 2016), les communistes ont pu accéder au Parlement par les régions du nord, du centre et de l’est du pays, ainsi que par la capitale et la province de Djamboul, dans le sud. Dans les régions d’Aktioubé, du Kazakhstan-occidental et de Kyzylorda, le Parti populaire communiste n’a jamais dépassé le seuil d’éligibilité.
Très peu de sondages
Pour l’élection présidentielle à venir, la manière dont vont voter les électeurs à ces élections demeure inconnue par manque d’outils d’étude sociologique. De manière générale, il existe peu de sondages d’opinion publique au Kazakhstan et de nouvelles restrictions ont été introduites dans le pays pour les élections. Selon la loi, les sondages d’intention de vote ne peuvent être menés que par les organisations ayant au moins cinq ans d’expérience dans ce domaine. De plus, elles sont tenues de notifier officiellement la Commission électorale centrale (CEC) de leur intention de mener des études lors des élections.
Le 6 mai dernier, la Commission électorale signalait que seules deux organisations – l’association publique « Koғamdyk Pikir » et le centre de recherche « Jeunesse » – avaient manifesté leur volonté d’étudier le comportement électoral des Kazakhs. Ainsi, les chances de connaître le niveau de participation et les intentions de vote des électeurs pour le 9 juin grâce aux sondages sont minimes.
Traduit du russe par Manon Mazuir
Edité par Magomed Beltouev
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