L’industrie du cinéma kazakh reste méconnue, néanmoins depuis les années 1930 c’est un cinéma qui cultive ses particularités et qui depuis l’indépendance ne cesse de produire des films de plus en plus diffusés à l’étranger. Voici, pour orienter le public profane, quelques uns des plus illustres films depuis l’aube du cinéma kazakh à nos jours.
On date le début du cinéma kazakh avec le film « Amangeldy » sorti en salle en 1938. Celui-ci fut un grand évènement dans la vie culturelle de la République socialiste soviétique kazakhe. A la fin de la projection, les spectateurs faisaient de nouveau la queue pour la séance d’après. Cependant, la poursuite du développement du cinéma kazakh a ralenti à cause de la Seconde Guerre mondiale.
Dans le cinéma d’auteur, le principal problème des réalisateurs kazakhs résidait dans l’image du destin de l’homme, de sa quête et son combat spirituels. Malheureusement, la majorité des films de l’époque servaient la propagande soviétique, c’est pourquoi aujourd’hui il peut être difficile de les regarder malgré certainement des exceptions.
« Le cinéma kazakh de l’époque soviétique ne s’est pas autant développé que celui kirghiz ou ouzbek. Le Kazakhstan a été fortement cantonné à l’idéologie, c’est pourquoi hormis les œuvres de quelques personnalités talentueuses, une immense quantité de films commandés ont été tournés et produits dans un esprit historico-révolutionnaire » Gulnara Abikeeva, cinéaste kazakhe.
Dans les années 1960, le cinéma kazakh a réalisé quelques films notoires sur la guerre, dont : Récit d’une mère, 1963, Réalisateur : A. Karpov, Scénario : A. Satskiy, J. Tashenov
« La beauté de cet amour, le chagrin et la douleur qu’engendrèrent la perte de celui-ci, la capacité à trouver la force de vivre après avoir perdu son fils unique mais également à être d’intègres personnes, tout se mélangeait dans mon héroïsme. Mes rencontres avec le public de Tselinograd restent gravées dans ma mémoire. Après la première du film, un ouvrier aux cheveux noirs est venu me voir me disant : « J’ai eu trois fils et tous sont tombés sur le front. Ma femme a été aveuglée de larmes quand je lui ai dit que je voulais voir votre film ». Je me suis assise à côté de celle-ci, dans le public, et nous avons pleuré ensemble » Amina Umurzakova, actrice principale.
L’un des plus brillants représentants du cinéma d’après-guerre au Kazakhstan est Shaken Aimanov. Il est considéré comme le titan du cinéma kazakh, le « bien-aimé » du peuple mais cela est justifié. Il est évident que de tels films, comme « Notre Cher Docteur » (1957), « La Fin d’Ataman » (1970), « L’Ange à la calotte » (1968) ont acquis le statut de « culte ».
Parmi les films historiques d’aventure mentionnés ci-dessus, il y en a un particulièrement notoire de Sh. Aimanov, « La Fin d’Ataman » dont le scénario a été écrit par A. Mikhalkov-Konchalovsky et E. Tropinine, de même que « Transsibérien Express » (1977) d’E. Urazbayev, qui est une sorte de continuité, où le héros travaille désormais en Mandchourie.
Au cours de ces années, de très brillants cinéastes kazakhs ont tourné leurs propres films comme Abdullah Karsakbaev, Mazhit Begalin, Sultan Khodzhikov. Les réalisateurs des années 1960 ont défini le visage kazakh « classique ». Le cinéaste de la période soviétique a marqué le point de départ du développement du cinéma depuis la perestroïka au Kazakhstan indépendant.
Depuis 1967, le Kazakhstan a commencé à produire des films d’animations. Le premier long-métrage kazakh était « Pourquoi l’hirondelle a une queue en ivoire » de Khaidarov. On a vu alors dans cette période la sortie d’un à deux films par an pour enfants et adolescents. Le plus célèbre « Je me prénomme Peau » et « Alpamys va à l’école » de A. Karsakbaev mais aussi « Choc et Cher » réalisé par K. Kasimbekov, « A la barrière en « pierre rouge » de Sh. Beisembaev, et « Ma Maison dans les vertes collines » d’A. Syleev.
L’étape suivante dans l’évolution du cinéma kazakh fut pendant la perestroïka. Les films ont reflété les réalités de l’époque, dans lesquels on ne voyait plus ce « pompeux pathos » qui caractérise le cinéma socialiste. Les réalisateurs n’ont pas gagné suffisamment leur vie à ce moment. Dans ces années, sont apparus beaucoup de jeunes cinéastes indépendants, qui sont devenus alors les représentants kazakhs de la « nouvelle vague », anciennement les étudiants de l’atelier VGIK (Institut de la cinématographie) de Soloviev.
« J’ai moi-même grandi avec le cinéma français, toute la classe de Soloviev regardait exclusivement des films de la vague française et chacun se prenait pour un héros. Moi, par exemple, mon héros était Jean-Luc Godard, pour Darezhan Omirbaev c’était Robert Bresson, pour quelqu’un d’autre c’était Truffaut et un autre accordé une attention particulière à la comédie. Le cinéma français des années 60-70 et même des années 30 a inspiré notre propre vague. » Rachid Nugmanov.
Durant cette période, le cinéma kazakh s’est fait une place en Europe. Certains réalisateurs ont présenté leurs films dans différents festivals internationaux. En 1989 des réalisateurs kazakhs ont remportés des premiers prix dans de prestigieux festivals du cinéma international : le long-métrage « Contact » a été présenté au festival du cinéma de Nantes, « Le Louveteau parmi les gens » à Francfort-sur-le-Main ainsi qu’à Lisbonne, la première « Un amour de poisson » se tint à New-York. Plus tard, le film de D. Omirbaev « Cardiogramme » a été présenté en France et, est resté à l’affiche durant deux mois, « Biographie d’un jeune accordéoniste » de S. Narymbetov a reçu six prix dont celui Georges-Sadoul de l’Académie Française, « Farah » de A. Karpykov a remporté le prix du meilleur rôle masculin au festival de Moscou.
La période des premières années d’indépendance ont été cruciales pour le cinéma national.
A cette période on a tenté de se débarrasser des complexes post-soviétiques, s’intéressant à la question proprement identitaire. Tous les thèmes interdits durant de nombreuses années à cause de la cruauté de l’idéologie soviétique (la période de la collectivisation, les années de répression stalinienne, la révolte de 1986 et d’autres) ont trouvé leur représentation dans les films de cette période. Par exemple, les films comme « Surzhekeï, l’ange de la mort », « Biographie d’un jeune accordéoniste », « Le Cannibale » montrent dans un réalisme flagrant les conditions dans lesquelles vivait le peuple. Suite à l’obtention de l’indépendance une attention particulière a été accordée au rétablissement de la justice (« La Chute de Otrar », « Batyr Bayan », « Les années de jeunesse d’Abay », « Kozy Korpesh et Bayan Sulu », « La Jeunesse de Zhambyl »…).
D’autres films de cette période : « Aynalaïn » (1990, Réalisateur B. Kalimbetov), « La Séparatrice » (1991, Réalisateur A. Karakulov), « Allazha » (1993, Réalisateur K. Abenov), « Le Pigeon Sonneur » (1994, Réalisateur A. Karakulov), « Pauvre Cœur » (1994, E. Shinarbev), « Celui qui est plus doux » (1996, Réalisateur A. Karpykov), « Shangaï » (1996, Réalisateur A. Baranov), « L’Amer fumée d’automne » (1997, Réalisateur G. Shutanov), « Aksuat » (1997, Réalisateur S. Aprymov), « Zamanay » (1998, Réalisateur B. Sharip).
A notre époque, le spectateur a plus d’alternatives pour voir un film que dans les années 90. La quantité de films tournés a considérablement augmenté et il semble que l’accès soit dorénavant facile pour le spectateur. Souvent, les films connus ne viennent pas du Kazakhstan. Malheureusement, concernant le cinéma kazakh d’art et d’essai, il ne rapporte rien tandis que les mauvais rapportent de l’argent. La participation aux festivals internationaux constitue, non seulement, un moyen de s’exprimer en dehors du Kazakhstan, mais aussi une opportunité de trouver son public. Par exemple, en février 2013 le long-métrage d’Emir Baigazin « Leçons d’Harmonie » a remporté de nombreuses récompenses notamment au Festival de Berlin ou encore dans une cinquantaine d’autres festivals.
Bien que Sergueï Dvortsevoï soit difficilement vu comme un réalisateur kazakh, ses œuvres méritent l’attention de notre public. Dans ses documentaires (« Le Bonheur » 1995, « La Piste » 1999) il a réussi à atteindre, à la fois, une haute précision et une dimension poétique, si rarement vu dans de nombreux longs métrages. Sa mise en scène du film « Tulipe » a reçu le prix du Festival de Cannes.
Les réalisateurs du Kazakhstan indépendant, continuant la tradition des représentants de la « nouvelle vague », n’ont pas peur de faire des films audacieux, soulevant des questions sensibles.
Deux des représentants les plus remarquables de la nouvelle génération des réalisateurs sont Emir Baigazin et Adilkhan Erzhanov dont les films figurent déjà dans la liste des meilleurs films asiatiques. Adilzhan Erzhanov est aussi le représentant du cinéma de la résistance au Kazakhstan, une association sans compromis de jeunes cinéastes, qui tournent sans budget des films sur des questions sociales.
« Le cinéma est devenu franchement sans intérêt : d’une part, le public ne l’apprécie pas particulièrement, d’autre part, un tel cinéma n’a pas d’intérêt culturel. Bien sûr, il y a toujours l’inattendue possibilité de voir arriver un auteur qui forcerait l’indulgence créée par le système. Mais, le plus souvent, nous avons un cinéma qui, comme une autruche cache sa tête dans le sable pour ne rien voir. Il ne veut pas remarquer le problème et vit dans une sorte de monde pacifique censuré. Les Français des années 1960 désignés ces films comme étant bourgeois » Adilkhan Erzhanov.
Article paru en russe sur The Steppe
Traduit pour Novastan par Nancy Rault
Talgat, 2018-04-1
Attention à la traduction du film « Meniñ atim Qoja », Je me prénomme Qoja » et pas « Je me prénomme Peau », c’est le prénom kazakh qui est en question, et vu que l’article est en russe, ça donne кожа (peau)
Reply