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Au Kazakhstan, deux auteurs de bande dessinée puisent leur inspiration dans le folklore national

L’industrie de la bande dessinée au Kazakhstan n’en est qu'à ses premiers balbutiements. Néanmoins, grâce à plusieurs auteurs et illustrateurs, elle devient peu à peu un élément de la pop-culture locale, tout en donnant envie aux lecteurs de se replonger dans le folklore national. Des créateurs kazakhs partagent leur expérience.

Rédigé par :

La rédaction 

Traduit par : sallag

The Steppe

Bande dessinée kazakhe
La bande-dessinée kazakhe puise son inspiration dans le folklore (illustration). Image: The Steppe.

L’industrie de la bande dessinée au Kazakhstan n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Néanmoins, grâce à plusieurs auteurs et illustrateurs, elle devient peu à peu un élément de la pop-culture locale, tout en donnant envie aux lecteurs de se replonger dans le folklore national. Des créateurs kazakhs partagent leur expérience.

La bande dessinée kazakhe s’empare des motifs nationaux. L’une de ces bandes dessinées s’appelle Mergen. Ses créateurs, Bek-Ata Daniyal et Magira Tleouberdina, ont souhaité partager certains détails du processus de création et évoquent l’importance des bandes dessinées pour l’industrie créative du Kazakhstan.

Mergen est basée sur la légende d’un batyr (un guerrier héroïque, ndlr), Essek Mergen. Le début de l’œuvre raconte son retour de la guerre et l’enterrement de son ami. Fatigué des combats et des batailles, le héros souhaite reprendre une vie paisible, mais des êtres mystiques, contre lesquels il devra lutter, apparaissent dans son aoul natal (village kazakh, ndlr). Pour la création de cette bande dessinée, Bek-Ata Daniyal assure le rôle de scénariste, et Magira Tleouberdina celui d’illustratrice.

Les auteurs ont déjà prévu quatre parties à cette histoire. Dans les deux premières, le récit sera construit autour de conflits contre des menaces externes, notamment contre le méchant, Jeztyrnak. Par la suite, Bek-Ata Daniyal souhaite ouvrir l’intrigue des troisième et quatrième parties sur les conflits internes du héros. “Si l’on peut comparer la bande dessinée Kaisar, Fils de Tengri à Percy Jackson de Rick Riordan, le sujet de Mergen est plus similaire à The Mandalorian : elle s’adresse à un public plus mature, le parcours du héros est plus complexe”, précise l’auteur.

La genèse des personnages et le style de la bande dessinée

Afin de décrire Essek Mergen de façon fidèle, les deux artistes ont rassemblé des informations à son sujet dans le livre des batyrs kazakhs et ont également échangé avec des professeurs de littérature kazakhe. “Nous avons pris la liberté de réécrire un peu la biographie du batyr et d’y ajouter quelques éléments qui nous sont propres. Mais nous l’avons fait en respectant les mythes et légendes. C’est pour ça qu’il n’y a pas beaucoup d’ajouts dans les premières parties”, révèle Bek-Ata Daniyal.

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La différence entre les styles de dessin de Bek-Ata Daniyal et de Magira Tleouberdina est évidente. Les dessins de Magira Tleouberdina sont lumineux et colorés, tandis que les bandes dessinées de Bek-Ata Daniyal sont plus sombres. Ainsi, Bek-Ata Daniyal a décidé de collaborer avec l’illustratrice pour cette bande dessinée après avoir lu une de ses interviews dans le média kazakh The Steppe. « J’ai aimé son approche fraîche du dessin, et elle a aussi un style très agréable, parfait pour une épopée héroïque », explique Bek-Ata Daniyal.

Le processus d’illustration

Magira Tleouberdina affirme avoir beaucoup appris depuis la parution de sa bande dessinée sur le batyr Qabanbaï. Par exemple, ses dessins sont devenus plus dynamiques. C’est pourquoi son style actuel convient parfaitement à la bande dessinée sur Essek Mergen : son histoire est sombre, mais le dessin de Magira Tleouberdina lui donne du charme et de la légèreté. D’après l’illustratrice, elle était initialement très préoccupée par la différence entre son style et la vision de Bek-Ata Daniyal. Avant d’accepter le projet, Magira Tleouberdina a dessiné quelques essais de personnages.

“Ma première bande dessinée était très maladroite et spontanée. Je n’avais pas planifié l’intrigue et il a pu m’arriver de faire une esquisse puis de la retravailler pendant la coloration. Cette fois-ci, Bek-Ata m’a envoyé le scénario, à partir duquel j’ai d’abord réalisé un story-board sommaire. Cela m’a pris environ une semaine, puis j’ai commencé à réfléchir soigneusement aux personnages eux-mêmes et à leur apparence, à élaborer les personnages secondaires et les antagonistes », raconte l’artiste.

« Tout cela a dû être fait rapidement, car Bek-Ata m’a envoyé deux parties de la BD en même temps et j’ai dû lui fournir des croquis. Après son accord, nous avons commencé à travailler sur les détails : poses, vêtements et armes. Essek Mergen est un archer et il était important pour moi de soigner ses armes », poursuit Magira Tleouberdina.

Des scènes de combat

Le plus difficile pour Magira Tleouberdina a été de dessiner les scènes de combat. Il lui a fallu 15 jours pour réaliser 32 pages de la bande dessinée. Actuellement, la dessinatrice travaille sur la couleur. Ensuite, Mergen sera envoyé à la rédaction pour une révision de la bande dessinée et pour la préparation du matériel d’impression.

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Pour créer l’antagoniste, Jeztyrnaq, l’illustratrice s’est inspirée des héroïnes de Kill Bill de Quentin Tarantino. Le scénario de Bek-Ata Daniyal décrivait seulement les actions de Jeztyrnaq: Magira Tleouberdina a donc peaufiné l’héroïne et en a fait un personnage féminin fort.

La publication

Les auteurs prévoient de publier la bande dessinée à la fois en ligne et en version papier. « Nous n’avions montré que les esquisses de la bande dessinée à la maison d’édition lorsqu’elle a accepté de collaborer avec nous. L’objectif principal de la maison d’édition est de fournir aux lecteurs des informations sur l’existence d’une telle bande dessinée », se réjouit Bek-Ata Daniyal.

Auparavant, Magira Tleouberdina s’était vu proposer de publier sa bande dessinée sur le batyr Qabanbaï avec une maison d’édition. Mais elle s’est vite rendue compte que cela ne lui convenait pas. « J’estime qu’il est préférable de faire les choses par soi-même. Car si quelque chose se passe mal, on ne peut s’en prendre qu’à soi-même. Les éditeurs ont leurs propres règles et restrictions. Et même la décision de publier ou non une bande dessinée est prise par la maison d’édition. J’ai choisi la voie d’un rebelle qui fait tout lui-même, et cela me convient parfaitement », explique-t-elle.

Le développement de l’industrie de la bande dessinée au Kazakhstan

La bande dessinée est relativement rentable au Kazakhstan. Selon Bek-Ata Daniyal, les créateurs de QazaqMAN, par exemple, ont mené une très bonne campagne de marketing, et la bande dessinée a été tirée à 15 000 exemplaires. Mais il est encore assez difficile de changer l’opinion des Kazakhs à l’égard des bandes dessinées. Selon Bek-Ata Daniyal et Magira Tleouberdina, elles ne sont pas perçues comme un art à part entière. C’est pourquoi les auteurs veulent montrer que la bande dessinée peut traiter de sujets sérieux. La catégorie d’âge prévue pour Mergen est de 16 ans et plus.

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Bek-Ata Daniyal estime que pour développer l’industrie de la bande dessinée au Kazakhstan, le soutien du gouvernement est nécessaire. En Corée du Sud, de l’argent commence à être investi dans les webtoons (bande dessinées publiées en ligne, ndlr) et les manwha (bande dessinées coréennes, ndlr). Des festivals de bandes dessinées sont créés et les bibliothèques commencent à en compter dans leurs collections. Ainsi, cet art y est devenu un patrimoine national.

« On pense que les batyrs kazakhs peuvent être plus intéressants que les samouraïs japonais. Et s’ils sont bien présentés, ils peuvent devenir populaires dans le monde entier. Il y a une demande pour les bandes dessinées au Kazakhstan, il ne reste plus qu’à mettre en marche cette culture. Nous pensons qu’elle est déjà en marche. Il nous semble que les gens comprendront rapidement que ce sont des œuvres d’art au même titre que des tableaux. De plus, les bandes dessinées sont à l’origine des dessins animés. Nous pouvons dire que nous ouvrons la voie à la création de dessins animés locaux », estiment les auteurs.

Aïana Seïtkhan
Journaliste pour The Steppe

Traduit du russe par Séphora Allag

Edité par Myriam Boulanouar

Relu par Eva Costes

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