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Tadjikistan : la pollution de l’air à Douchanbé s’aggrave

RESPIRER OU SUFFOQUER - Alors que le monde lutte contre le Covid-19 et ses conséquences, l’Asie centrale fait aussi face à un meurtrier silencieux, un ennemi dangereux créé par l’homme : l’air pollué. Au Tadjikistan et plus précisément dans la capitale Douchanbé, le problème prend de l’ampleur d’année en année.

Douchanbé Pollution Air Environnement
La pollution de l'air de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, est de plus en plus préoccupante (illustration).

RESPIRER OU SUFFOQUER – Alors que le monde lutte contre le Covid-19 et ses conséquences, l’Asie centrale fait aussi face à un meurtrier silencieux, un ennemi dangereux créé par l’homme : l’air pollué. Au Tadjikistan et plus précisément dans la capitale Douchanbé, le problème prend de l’ampleur d’année en année.

Novastan reprend et traduit ici un article publié en novembre 2020 par le projet Air of Central Asia.

Cet article fait partie de la série « Respirer ou Suffoquer », un projet journalistique soutenu par le média allemand n-ost, le centre kazakh MediaNet International Centre for Journalism et le ministère allemand de la Coopération économique.

C’est un fait préoccupant. En 2016, le cabinet de conseil britannique Mercer a classé la capitale tadjike Douchanbé parmi les 20 villes ayant la pire qualité de l’air dans la région Asie-Pacifique, comme l’a relayé le média centrasiatique Living Asia. Ce classement est resté le même en 2019, pour la dernière version du rapport. La quantité d’émissions polluantes dans l’atmosphère de Douchanbé croît à un rythme accéléré par rapport à celle des autres villes du Tadjikistan. En 2018, ces émissions ont dépassé les volumes de 1991, lorsque Douchanbé était d’une des dix villes les plus sales de l’URSS.

La croissance des émissions nocives dans l’atmosphère de Douchanbé est surtout visible depuis 2015, ce qui coïncide avec l’augmentation de la capacité à la CEC-2 (Centrale Electrique Chaude), située non loin de la capitale. Les principaux polluants aériens de Douchanbé à l’heure actuelle sont donc dus à la CEC-2 mais aussi à la cimenterie, les chaufferies, les petites usines et autres entreprises industrielles qui génèrent de l’énergie en brûlant du charbon, en traitant et en brûlant le plastique et des ferrailles métalliques.

Sovietskoe-1, cœur du problème

Le quartier Sovietskoe-1 fait partie de la zone industrielle la plus dangereuse en matière d’émissions. Pendant la période soviétique, une usine de réparation et de production de pelles mécaniques s’y trouvait. À présent, ce territoire est loué par une entreprise privée qui exploite une usine de production d’armature et de produits en fer. Le territoire de l’ancienne usine est sale et négligé, la ferraille est incinérée sans qu’aucun filtre ne soit utilisé.

De l’autre côté de l’usine se trouvent neuf grands restaurants de barbecue. La fumée pend comme suspendue par une palanche au-dessus du quartier, comme au-dessus d’un grand four.

Les émissions sont produites généralement pendant la nuit. La suie se dépose sur les murs des maisons, le linge après le lavage est séché et rangé le plus tôt possible, sinon il risque d’être recouvert d’une couche sombre. Les habitants du mahalla, comme le nomment les habitants du quartier, se sont plaint à plusieurs reprises de ces émissions en écrivant des lettres à l’attention des maires et des écologistes. Ces appels n’ont obtenu aucune réponse.

Un lien entre maladies respiratoires et pollution

En 2020, d’après des données non officielles, les citadins vivant à proximité de l’usine étaient particulièrement touchés par des maladies respiratoires. Plusieurs familles qui habitent près de la source principale de pollution de la ville ont même perdu des proches.

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Saraiyo Rakhimova, allergologue de l’hôpital de Sovietskoe-1, voit un lien entre l’augmentation du nombre de maladies respiratoires et pulmonaires dans son secteur et l’aggravation de la situation écologique de la région. « Le nombre de patients souffrant d’allergies et de maladies pulmonaires est en hausse. Tout comme la suie des émissions se dépose sur les meubles, les murs, elle se dépose de la même manière dans les poumons. Regardez, même dans notre hôpital vous pouvez observer ce phénomène, la suie est partout », explique l’allergologue.

Le déménagement comme solution

Certains habitants de Sovietskoe-1 sont pessimistes et estiment que la seule solution serait le déménagement. Cette opinion radicale est soutenue par Mariana, une adolescente de 17 ans, élève en terminale de l’école secondaire n°20 de Douchanbé.

Mariana souffre d’une allergie depuis l’âge de 13 ans qui a commencé lorsque sa famille a déménagé de Khoudjand vers Douchanbé. « À Douchanbé il y a de nombreuses sources d’émissions nocives : les transports, les feuilles brulées, la poussière de nombreux chantiers de construction. Mes yeux commencent à larmoyer, je respire avec difficulté, je commence à tousser et à avoir de la dyspnée », témoigne la jeune fille.

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Selon Mariana, la toux et la dyspnée s’intensifient pendant la période hivernale, quand la CEC-2 et la cimenterie tournent à plein régime. « Ces dernières années, je tombe très souvent malade du rhume. Avec le rhume, la rhinite chronique s’est développée. J’ai du mal à respirer, mes larmes jaillissent du fait de la suffocation. Les gens s‘arrêtent et me demande si je vais bien, si j’ai besoin d’aide. Et moi, je m’étouffe, tout simplement », se plaint-elle. L’adolescente rêve de vivre dans une ville où elle pourrait se promener dans le parc sans suffoquer, où les vêtements ne deviendraient pas noirs à cause de la suie, et surtout, où elle pourrait respirer en paix.

La vidéo ci-dessous est en russe.

https://youtu.be/3J7bcDfPawE

Mouhammad Djouraïev, le chef allergologue du Tadjikistan explique les conséquences d’une telle qualité de l’air.

La vidéo ci-dessous est en russe.

https://youtu.be/ENeaddUBQBA
Pour le gouvernement du Tadjikistan, il n’y a pas de problème

Les autorités de Tadjikistan ne considèrent pas la pollution de l’air comme un problème grave. Le contrôle de la qualité de l’air est devenu plus compliqué depuis 2018 en raison de l’application du moratoire sur l’activité des affaires privées, instauré par les autorités. Ce moratoire implique la réduction des organes de contrôle ainsi que celle du nombre d’inspections programmées. Par voie de conséquence, les entreprises ne respectent pas, ou moins, les normes écologiques, et les émissions nocives dans l’atmosphère augmentent. Le moratoire a été mis en place par les autorités tadjikes pour motif économique et devait durer jusqu’en janvier 2021.

Le contrôle de la qualité de l’air à Douchanbé est effectué par la station automatisée de surveillance, installée sur le territoire de la Direction principale du service hydrométéorologique du Tadjikistan. La station mesure la qualité de l’air en dehors des zones de protection sanitaire où sont situées les entreprises industrielles. Ainsi, la station automatisée de surveillance de la qualité de l’air est installée dans le centre de Douchanbé, tandis que les principales entreprises polluantes sont situées dans d’autres parties de la ville, loin de la zone de couverture de monitoring de la station.

Outre cette station de surveillance, deux unités mobiles sont utilisées pour mesurer la qualité de l’air directement aux sources des émissions nocives.

Le projet « Développement du journalisme : les problèmes du changement climatique » vise à montrer et résoudre les problèmes causés par le changement climatique, tout en développant et renforçant le secteur des médias indépendants en Asie centrale. Retrouvez tous les articles de cette série ici.

La rédaction d’Air of Central Asia

Traduit du russe par Mihaela Sturzu

Édité par Anthony Miatti

Relu par Anne Marvau

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