Fondée en 1992, l’association parisienne Caravansérails a impulsé différents projets dans la ville de Boukhara, en Ouzbékistan. Le directeur de l’association, Phillipe Barbier, la directrice adjointe Irina Mavlanova ainsi que l’architecte et restaurateur boukhariote Zoïrcho Klitchev ont détaillé à Novastan l’étendue des actions menées par Caravansérails, les réalisations à venir ainsi que les obstacles rencontrés.
L’association Caravansérails regroupe des architectes, des urbanistes, des enseignants, des photographes et a pour objectif d’établir un réseau de coopération technique et économique sur le patrimoine. Les projets sont menés en Ouzbékistan, à Boukhara notamment. L’objectif recherché par l’association et ses membres est premièrement de sauvegarder le patrimoine culturel des villes de la route de la Soie, puis d’équiper ces lieux afin d’y développer toutes sortes d’activités et d’y établir des liens culturels entre la France et l’Ouzbékistan.
Le projet Isteza représente la première pierre posée par le groupe franco-ouzbek fondateur de l’association. Une petite médersa du XIXème siècle, située au cœur de l’ancienne ville de Boukhara, a été restaurée par l’association pour y créer le centre culturel Isteza.
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En vous abonnant à Novastan, vous soutenez le seul média européen spécialisé sur l’Asie centrale. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de votre aide !L’association a également sélectionné un ensemble de quatre caravansérails, situés dans l’ancien centre de Boukhara, afin d’y créer un musée vivant, un centre de créations artistiques et culturelles. Dans sa volonté de sauvegarde et de préservation, l’association a aussi mené un micro-projet, résultat d’une bourse d’étude, afin de redonner vie aux khaouz de Boukhara, ces bassins de pierre qui se trouvaient disséminés dans la ville.
Pour l’ensemble de ses actions, le Français Phillipe Barbier a reçu, le 6 décembre dernier, une distinction décernée par le président de la commission parlementaire d’Ouzbékistan pour « contribution au développement de la société civile ».
Le projet Isteza
L’objectif de l’association était de créer « un lieu où la langue n’est plus une barrière » mais « une porte ouverte », a confié à Novastan Irina Mavlanova, directrice adjointe.
En 1992, l’association repère à Boukhara la médersa Isteza et l’année 1996 marque le début de sa restauration réalisée en étroite coopération avec la municipalité. Deux ans plus tard, Isteza est inauguré en tant que centre culturel et devient l’une des plus importantes bases logistiques ouzbèkes pour de nombreux projets de coopération français et européens.
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En 2016, Isteza a été rénové et remis en état après 18 ans d’activités. Des rénovations en partie financées par le Sénat français.
Un centre culturel
Ouvert depuis 26 ans, il est actuellement géré par deux coordinateurs ouzbeks, Irina Mavlanova et Zoïrcho Klitchev. Le centre culturel dispose d’une large bibliothèque, d’une vidéothèque et d’ordinateurs pour les adhérents.
Des cours de français y sont dispensés, des expositions y sont régulièrement organisées et des étudiants ou chercheurs étrangers peuvent y séjourner. Tous les événements qui y ont lieu sont mis en place par des étudiants bénévoles et le personnel du centre.
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Actuellement, c’est Irina Mavlanova qui s’occupe de mener à bien les activités culturelles qui s’y déroulent, mais également la gestion et l’entretien des locaux.
Un lieu de rencontres et de découvertes
L’association Caravansérails a ouvert les portes d’Isteza à de nombreux touristes et locaux afin d’en faire un lieu où les populations peuvent échanger et partager leurs coutumes et traditions. Régulièrement, des musiciens ouzbeks prennent place au cœur de la médersa pour faire danser les visiteurs étrangers.
En 2005, Charles Aznavour est passé par Isteza, a confié Zoïrcho Klitchev, qui se rappelle ce moment passé aux côtés de l’artiste, au cours duquel l’association a pu savourer les fruits de son travail.
Une Alliance française à Boukhara ?
En 2018, l’association a entrepris des démarches afin qu’Isteza devienne l’Alliance française de Boukhara. Phillipe Barbier explique que le bâtiment avait été mis aux normes afin de respecter les règles de sécurité, que les statuts concernant les langues avaient étés traités et que même l’ambassade de France avait subventionné le projet.
Je fais un don à NovastanPhillipe Barbier explique que « tout était prêt », et pourtant le projet n’a pas abouti. La même année, Médiapart a dévoilé un scandale autour du réseau des Alliances françaises, « vitrine de la diplomatie culturelle », qui a mis en exergue plusieurs erreurs de gestion graves. Pour le directeur de Caravansérails, « ceci explique peut-être cela ».
Le projet des quatre caravansérails
En 1999, un ensemble de quatre caravansérails en ruine d’une surface de 2 800 mètres carrés est choisi par l’association pour en faire un « musée vivant de la route de la Soie ». Les travaux de fouilles archéologiques, de nettoyage et restauration commencent en 2003. Fin 2005, deux des quatre caravansérails retrouvent leur forme originale du début du XXème siècle.
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À la fin de cette première phase de restauration, l’objectif est d’ouvrir une première partie du musée vivant, un centre destiné à « la création artistique et culturelle des pays traversés par la route de la Soie », confie Irina Mavlanova. En 2014, une première partie ouvre ses portes avec une exposition temporaire consacrée aux goûts et saveurs de la Grande route de la Soie.
Le projet des oasis urbaines
Le projet Oasis urbaines commence en 1995 grâce à une bourse d’étude qui permet à l’association d’explorer l’envers de Boukhara. À l’époque, dans la zone moins touristique de la ville, là où la plupart des habitants vivent, se trouvaient des bassins, appelés khaouz, éléments essentiels du tissu social et urbain. Ces réservoirs d’eau étaient situés au cœur des quartiers et offraient des espaces d’échanges et de convivialité.
Cependant, dans les années 1990, la plupart des bassins ont été comblés pour des raisons sanitaires et à cause de la vétusté des réseaux, devenant ainsi des lieux désertés, souvent remplis de poussière en été et de boue en hiver.
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L’idée principale du projet a donc été de redonner vie à ces bassins, ou du moins de réactiver certains points d’eau symboliques, en réintroduisant une forme d’oasis urbaine. L’association a eu l’idée de réintroduire des arbres, des bancs et des fontaines afin de redonner aux habitants des lieux ombragés où ils peuvent se retrouver, échanger, se reposer.
Des fonds limités
Pour réunir ses financement, l’association s’adresse aux organismes publics français, européens et ouzbeks ainsi qu’à des donateurs privés. Zoïrcho Klitchev explique cependant que depuis plusieurs années, l’association peine à trouver les fonds nécessaires aux projets envisagés.
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Sur les quatre caravansérails, seuls deux ont été restaurés. Concernant les deux autres, bien que le projet soit dessiné et que les autorisations aient été obtenues, la restauration reste, depuis 15 ans, en suspens. Phillipe Barbier confie que les finances manquent pour finaliser la restauration des lieux.
Irina Mavlanova affirme qu’à de nombreuses reprises, des Boukhariotes ont tenté d’acheter la médersa Isteza afin de la transformer en hôtel. Sa réponse reste sans appel : « Non, Isteza est et restera un lieu culturel, je ne les laisserai pas la transformer en un énième buisness. »
Marianne Bultel
Rédactrice pour Novastan
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