Au Kazakhstan, l’exportation de produits agricoles vers la Chine connaît une croissance fulgurante ces dernières années. Une occasion pour le Kazakhstan de renforcer les partenariats établis dans le cadre des Nouvelles routes de la Soie et de diversifier ses partenariats.
La coopération dans le secteur agricole entre le Kazakhstan et la Chine se poursuit. Située à près de 5 000 kilomètres de la frontière kazakhe, la province du Shandong s’apprête ainsi à recevoir 1 300 tonnes de céréales en provenance d’Almaty, rapporte l’agence de presse kazakhe Kazinform.
L’initiative s’inscrit dans les accords signés début septembre par Erbol Karachoukeïev, ministre de l’Agriculture, et Lin Wu, Secrétaire du Parti communiste de la province de Shandong. « Il ne fait aucun doute que cela nous permettra d’élargir la coopération en matière de commerce et d’investissement » a déclaré le Premier ministre kazakh Alikhan Smaïlov à l’occasion de la tenue du Forum sino-kazakh sur la coopération avec la province du Shandong.
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L’agriculture, un atout pour l’économie kazakhe
Si l’agriculture ne représente que 5 % du PIB du Kazakhstan en 2019, celle-ci s’avère être un secteur clef dans l’économie kazakhe, analyse le Climate Resilient Economic Development (CRED). Environ 13 % des actifs, soit environ 1,2 million de personnes en dépendent. L’expansion actuelle du secteur sert un objectif clair : celui de devenir l’un des principaux pôles agricoles eurasiatiques, comme l’a dit le président Kassym-Jomart Tokaïev, rapporte Kazinform.
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Cette ambition s’inscrit dans la droite ligne de Kazakhstan 2050, la stratégie gouvernementale en place depuis 2012. Celle-ci vise à diversifier l’économie kazakhe et s’appuie pour cela sur le développement du secteur agricole. Les politiques menées en ce sens visent à soutenir la production nationale afin de réduire la dépendance du pays aux importations tout en augmentant le volume de ses exportations.
Le fruit de réformes politiques
L’essor que connaît aujourd’hui l’agriculture kazakhe est d’autant plus marquant qu’il n’a pas toujours été. Le secteur connaît un premier bond dans les années 1950, dans le cadre de la campagne des terres vierges menée par l’URSS. A l’époque, 25 millions d’hectares sont mis en culture. Et si 65 % des terres cultivées sont céréalières au moment de l’indépendance en 1991, la chute de l’URSS bouleverse la production. A tel point qu’en 1998, la production de céréales dégringole et représente un quart de ce qu’elle produisait six ans plus tôt, rapportent les chercheurs Martin Petrick et Richard Pomfret.
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Les années 2000 marquent un tournant pour l’agriculture kazakhe. Le budget qui lui est alloué augmente, passant de 26 à 81 milliards de tengués (de 52,2 à 162,7 millions d’euros) entre 2001 et 2005. Cette enveloppe et les réformes qui la suivent permettent de soutenir l’achat de matériel et d’engrais. Et ces mesures portent leurs fruits : en septembre 2023, l’Union céréalière kazakhe relaie ainsi que les exportations ont augmenté de 40 % et ont dépassé les 7 millions de tonnes en l’espace de huit mois.
Un rapprochement stratégique
Dans ce contexte, l’augmentation des exportations vers la Chine s’avère être un partenariat de taille pour le Kazakhstan. Cependant, ce rapprochement n’a rien d’anodin, et s’inscrit dans la droite ligne du projet des Nouvelles routes de la Soie initié en 2013 sous l’égide du président Xi Jinping.
En septembre 2013, le président chinois annonçait en effet vouloir « forger des liens économiques plus étroits [et] approfondir la coopération ». Ce discours, prononcé à l’Université Noursoultan Nazarbaïev d’Astana, n’est pas resté lettre morte. The Diplomat explique ainsi que le Kazakhstan figure parmi les premiers pays d’Asie centrale à avoir développé ses partenariats avec la Chine. A tel point que celle-ci est désormais le deuxième partenaire commercial du pays, juste derrière la Russie. Kazinform rapporte ainsi qu’entre janvier et juin 2023, la vente de produits agricoles à la Chine s’élève à 578,5 millions de dollars (542,3 millions d’euros), plus de 72 % de plus qu’à la même période en 2022.
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Une façon pour le pays de diversifier son économie, qui a déjà bénéficié de 30 milliards de dollars (28 milliards d’euros) d’investissements chinois, rapporte The Diplomat en 2016, et pour la Chine de sécuriser sa position dans un point nodal du parcours terrestre des Nouvelles routes de la Soie.
Le Kazakhstan est en effet un passage incontournable pour relier la Chine à l’Europe et au Moyen-Orient. Et les retombées économiques encouragent le Kazakhstan à améliorer son interconnectivité et rénover son réseau de transport. Déjà en 2016, et toujours selon The Diplomat, le pays prévoyait ainsi d’investir 2,7 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) pour moderniser son réseau ferré.
Un secteur qui demeure fragile
Si l’intensification des échanges avec la Chine est vue d’un bon œil par les autorités et s’accorde avec la volonté du pays de se hisser en tête du classement des plus gros producteurs de la région, un certain nombre d’obstacles restent à surmonter.
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« On peut dire que quatre des sept plaies d’Egypte se sont déjà abattues sur nous », résume ainsi Evgueniy Aleksandrovitch, représentant de l’Union céréalière kazakhe, dans un entretien publié le 14 septembre dernier. Les récoltes ont souffert des invasions de criquets et de l’appétit des saïgas. La sécheresse, ensuite, et les torrents de pluie.
Cet enchaînement de catastrophes, directement lié au changement climatique, a eu des effets délétères pour les récoltes. Dans le Nord du Kazakhstan, les agriculteurs ont pu récolter environ un quart de leurs parcelles, tandis que le reste risque de périr, rapporte ainsi Eurasianet début septembre.
Pauline Ferraz
Rédactrice pour Novastan
Relu par Tiphaine Tellier
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Vincent Gélinas, 2023-09-20
Et on a même pas encore parlé de la sécheresse à venir suite aux problèmes d’approvisionnement en eau.
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