Au Kirghizstan, près du lac Issyk-Koul, une œuvre à la mémoire des victimes de la répression du soulèvement de 1916 contre la Russie tsariste a été installée. Les auteurs du projet racontent l’histoire de leur création.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 21 octobre 2020 par le média kirghiz Kloop.kg.
Dans les montagnes d’Issyk-Koul, une œuvre commémorative a été construite à la mémoire des victimes de la répression du soulèvement de 1916 contre l’Empire tsariste. L’installation, plutôt inhabituelle et représentant des citoyens kirghiz fuyant à pied et à cheval vers la Chine, peut être qualifiée de « cinétique ».
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« Lorsque le vent se lève, la procession se « met en marche », et s’il se met à souffler fort, alors l’image disparaît tout simplement », explique l’une des créatrices, Altin Kapalova.
L’ouvrage rend hommage aux victimes de la répression qui eut lieu en représailles au soulèvement contre l’oppression coloniale de la Russie tsariste. Des « détachements punitifs » se sont efforcés de casser la révolte, et des centaines de milliers de Kirghiz et de Kazakhs ont été forcés d’aller se réfugier en Chine.
Sur la plaque commémorative, il est inscrit : « Dans les montagnes entre le Kirghizstan et la Chine gisent les corps de milliers de personnes qui, pourchassées par les colonisateurs, ont été contraintes de fuir vers un pays étranger pour sauver leur vie et celle de leurs proches… ».
Kina Yousoupova a également travaillé sur ce projet. Avec l’aide de villageois locaux, les deux artistes ont installé l’œuvre sur un flanc du mont Jarylgan-Too, situé sur la rive nord du lac Issyk-Koul, localisé à l’est du pays.
« Cet endroit n’a pas été choisi au hasard. Quand j’étais enfant, mon grand-père disait que Jarylgan-Too s’était formé avec le tremblement de terre de 1911, et qu’un petit village était resté sous la montagne effondrée. Je me suis dit que c’était symbolique et dramatique, car les Kirghiz forcés de fuir mouraient non seulement sous les balles des soldats de l’armée tsariste, mais aussi à cause des conditions climatiques et météorologiques les plus difficiles qui soient », explique Altin Kapalova.
Sur le chemin de la Chine, les exilés ont dû affronter de grandes difficultés affirme l’artiste. « Incapables de passer les glaciers et les gorges étroites, ils chutaient avec leur bétail dans les précipices. À de telles altitudes, où l’air est très raréfié, il ne fallait surtout pas s’arrêter, sous peine de ne pas pouvoir repartir par manque de force. Les gens finissaient simplement par mourir de froid, congelés dans les montagnes, laissant les enfants avec seulement un morceau de pain » explique l’article.
Dans le même but de préservation de la mémoire des victimes, Altin Kapalova prévoit de créer une plateforme Internet qui recueillera les histoires de famille à propos de ce douloureux évènement. « Ce sera un musée d’histoires narratives visuelles. Tout l’été, j’ai rassemblé des histoires, mis en ordre celles des familles de mes parents, dont les grands-parents ont aussi fui en Chine », déclare-t-elle.
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Le soulèvement de 1916 a été la plus grande révolte contre l’Empire russe. Les peuples d’Asie centrale, alors poussés au désespoir par l’oppression, l’extorsion et l’humiliation coloniale, s’étaient lancés dans une lutte pour la libération.
En 2016, deux monuments à la mémoire des victimes ont été érigés au Kirghizstan. L’un à Karakol, dans l’est du pays, illustrant le passage d’un col de montagne, l’autre dans le complexe mémoriel d’Ata-Beyit, proche de Bichkek.
Aïjamal Djamankoulova pour Kloop.kg
Traduit du russe par Baptiste Longère
Édité par Nazira Zhukabayeva
Relu par Robin Leterrier
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