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Opinion : la qualité de la production artistique se dégrade au Tadjikistan

Le politologue Mouhammad Chamsouddinov partage son opinion sur l'état de la production artistique au Tadjikistan. Il propose aussi des moyens d'améliorer la situation.

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Asia Plus 

Traduit par : Alan Abdullaev

Asia-Plus

Douchanbé théâtre détruit
La destruction du théâtre vert à Douchanbé. Photo : Asia-Plus.

Le politologue Mouhammad Chamsouddinov partage son opinion sur l’état de la production artistique au Tadjikistan. Il propose aussi des moyens d’améliorer la situation.

Pour le média tadjik Asia-Plus, le politologue Mouhammad Chamsouddinov dresse ci-dessous l’état de la production artistique dans son pays.

Je me rappelle les paroles du metteur en scène russe Sergueï Kourguinyan sur l’état de la culture et de l’art dans l’espace post soviétique. Il a dit un jour que l’espace de l’ancienne Union soviétique passera par l’archaïsation et la dégradation de la spiritualité. C’est ce qui se manifeste de façon évidente dans notre pays. L’art se dégrade et cela se voit partout.

C’est visible dans les mises en scènes théâtrales que nous retrouvons dans nos théâtres, dans les films de mauvaise qualité et les littératures tadjikes actuelles. On le voit aussi dans la formation, l’éducation de nos jeunes artistes, dans le jeu de nos jeunes acteurs et dans les poèmes de nos jeunes poètes.

La situation spirituelle de nos artistes (surtout ceux qui sont les produits des écoles modernes), qui doivent être les producteurs de biens spirituels pour la communauté, sont à un bas niveau.

L’importance de l’éducation

Quand on parle d’un artiste, on ne dit pas seulement qu’il chante ou joue un rôle, mais aussi qu’il est une personne éduquée, avec un comportement et un discours appropriés, disposant d’une large vision du monde. Et malheureusement, nous manquons de telles personnes.

Comme l’exceptionnel historien de la culture Youri Lotman l’a souligné, l’intelligentsia ne doit pas seulement avoir de solides connaissances et une bonne conscience (ce dont nos intellectuels manquent), mais aussi un bon comportement et un bon choix des mots, car l’intellectuel est un objet d’imitation. Il est une personne qui éduque la population non seulement avec ses œuvres, mais aussi avec ses manières.

En ce qui concerne la formation de nos jeunes artistes, elle est faible. Je me rappelle une conversation avec un de nos meilleurs jeunes acteurs et réalisateurs de théâtre qui parlait d’un personnage de William Shakespeare, Hamlet. Il a dit qu’il avait joué le personnage plusieurs fois, mais n’arrivait pas à comprendre l’essence du personnage, sa souffrance et ses actions. Pourquoi il pose sa célèbre question, « être ou ne pas être ? »

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Mais comment un acteur peut-il jouer un personnage qu’il ne comprend pas ? L’acteur doit comprendre tous les sentiments du personnage, pas seulement ses mots, mais se mettre réellement à sa place. Friedrich Nietzsche, à propos du théâtre grec et de la tragédie, a dit que l’acteur doit souffrir comme le personnage qu’il joue, et faire souffrir le public avec lui.

Et pour comprendre la souffrance de Hamlet, il faut comprendre pourquoi il pose sa question « être ou ne pas être ? » La réponse demande de la perspective, autrement dit une bonne éducation. Une bonne éducation, ce n’est pas être diplômé du conservatoire ou d’un institut artistique, ce n’est pas savoir jouer du piano ou chanter.

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Un artiste, indépendamment de la portée de ses activités, doit être bien informé, doit bien connaître les classiques mondiaux. Un artiste est un penseur. C’est quelqu’un qui a conscience de sa position, qui se connaît lui-même. C’est ce qui manque à nos jeunes acteurs, écrivains, artistes, peintres, musiciens, intellectuels et autres. C’est ce qui manque à notre art actuel, si l’on peut dire qu’il existe encore.

Ouvrir des écoles et des financements

Bien sûr, je respecte nos grands artistes qui ont été formés par les grandes écoles soviétiques. Hélas, il ne reste plus rien de ces écoles. Il n’y en a plus et aucune autre école d’art n’a été construite. Une telle école est extrêmement nécessaire pour le développement de la communauté et de la population.

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Nous avons un besoin critique de développement artistique comme mécanisme du développement communautaire. Le développement économique et d’innovation est étroitement lié au développement spirituel de la société. Comment peut-on développer le pays si nous avons une éducation de mauvaise qualité ?

Bien sûr, je reconnais que le développement artistique demande une grande aide financière et matérielle. Comment faire revivre l’art sur les banquettes brisées du cinéma Vatan ou du théâtre Lohouti ? Avec de vieux décors et costumes soviétiques ? Comment pouvons-nous développer l’art si nos jeunes ont peu de moyens d’avoir des contacts avec le monde extérieur ? S’ils n’ont pratiquement aucun moyen d’étudier à l’étranger et d’apprendre de nouvelles choses, ne voient pas le monde, ne rencontrent pas d’autres cultures spirituellement enrichies ? De quel développement des perspectives parlons-nous ?

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Notre art a besoin de repartir à zéro ! Une renaissance théâtrale, cinématographique, littéraire et musicale. Nous avons besoin de rénovations immobilières et techniques, d’envoyer de jeunes cadres pour étudier dans les grands centres de développement artistique, d’inviter des historiens de l’art, des pédagogues et d’autres.

Si nous ne le faisons pas aujourd’hui, je pense qu’il n’y aura aucun développement demain dans la société, pour la population et le pays. Enfin, je souligne que mon avis ne vise personne. Je veux juste que notre société prospère.

Mouhammad Chamsouddinov
Auteur pour Asia-Plus

Traduit du russe par Alan Abdullaev

Édité par Rayane Théodore

Relu par Léna Marin

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