Au début de l’année 2021, le ministère de la Culture tadjik a nommé Khourched Moustafoïev à la direction du théâtre d’État Maïakovski de Douchanbé. Cet acteur, metteur en scène et scénographe, travaille depuis 20 ans avec la troupe du théâtre. Interview d’une figure contemporaine de la culture tadjike.
C’est une nomination d’importance. Au début du mois de février dernier, Khourched Moustafoïev a été nommé directeur du théâtre d’État Maïakovski de Douchanbé, la capitale tadjike, comme l’a relevé le média tadjik Asia-Plus. Membre de la troupe du théâtre depuis 2001 et son rôle de Caligula dans la pièce d’Albert Camus, Kourched Moustafoïev a été successivement acteur, metteur en scène et scénographe.
Novastan est le seul média européen (en français, en allemand et en anglais) spécialisé sur l'Asie centrale. Entièrement associatif, il fonctionne grâce à votre participation. Nous sommes indépendants et pour le rester, nous avons besoin de vous ! Vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, en réalisant un don défiscalisé à 66 %, ou en devenant membre actif par ici.
Ses spectacles, très contemporains et originaux, pourraient donner au théâtre tadjik une grande modernité. Son principal objectif : par un regard très actuel sur des œuvres variées, développer la place et le rôle du théâtre dans la culture tadjike à la fois traditionnelle et contemporaine.
Novastan : Avez-vous commencé votre carrière comme acteur, ou immédiatement comme acteur et metteur en scène ?
Khourched Moustafoïev : En 1995, après avoir terminé mes études secondaires, je me suis inscrit à l’institut des arts pour entrer à la faculté d’acteur. Et j’ai travaillé après avoir obtenu mon diplôme au théâtre tadjik en tant qu’acteur. J’ai commencé ma carrière de metteur en scène un peu plus tard.
Lire aussi sur Novastan :A Bichkek, le théâtre se réinvente
C’était d’abord un intérêt pour cette profession, j’ai essayé de réaliser mes fantasmes, puis c’est devenu une véritable passion, et maintenant c’est une profession. Bien que je n’aie pas de formation de metteur en scène.
Réalisez-vous également les scénographies des spectacles que vous montez ?
Depuis toujours, j’aime dessiner. Avant de mettre en scène des spectacles, j’ai commencé à m’essayer en tant qu’artiste dans des productions de spectacles. J’inventais des costumes et des décors pour des spectacles. Quand j’ai commencé à mettre en scène des spectacles moi-même, j’ai toujours tenu à m’occuper aussi de la scénographie.
Quels sont vos objectifs pour le théâtre Maïakovski ?
J’ai un seul but : trouver le théâtre qui me correspond. Bien que j’aie déjà formé mon propre style, sur lequel je travaille, je veux en explorer plusieurs autres et m’arrêter sur un pour aller plus loin dans cette direction et emmener l’équipe du théâtre derrière moi. Je veux que notre théâtre devienne le nouveau visage du théâtre tadjik !
Vos dernières mises en scène sont très modernes, contemporaines, comme celle d’Hamlet, par exemple. Ce genre de mises en scène est une orientation nouvelle pour le théâtre tadjik, pensez-vous privilégier cette modernité ?
J’aime beaucoup le théâtre classique, mais il est essentiel pour moi de le travailler dans un style moderne. J’aime mélanger le classique et le moderne. Et je pense que je vais continuer en ce sens.
Vous avez fait une longue tournée en Russie avec la pièce Hamlet, pensez-vous faire d’autres tournées dans des pays russophones ?
Je pense que toute personne créative aime partir en tournée. Je veux que davantage de pays voient nos créations théâtrales, je veux qu’ils apprennent à connaître notre pays, notre peuple, notre culture. Et je veux nouer des relations avec des artistes d’autres pays. Donc on fera des tournées avec un grand plaisir. Bien sûr, cela ne dépend pas que de nous. J’espère que nous serons soutenus et que nous voyagerons plus souvent. Je voudrais montrer nos performances non seulement dans les pays russophones, mais aussi dans des pays européens et orientaux, par des tournées ou en participant à des festivals.
Ci-dessus, un extrait vidéo d’Hamlet lors de la tournée en Russie.
Pensez-vous alterner les spectacles en russe et en persan ?
J’ai déjà monté des spectacles en plusieurs langues à la fois, les acteurs parlaient deux ou trois langues dans les spectacles. J’ai parfois monté le même spectacle en russe et en persan en même temps. J’aime ça. Je pense que je vais encore mettre en scène des spectacles en plusieurs langues. Pour autant, les spectacles seront plus souvent en russe, puisque le théâtre est russe. J’aime créer nos histoires orientales en russe, cela est à la fois très poétique et inhabituel.
Quel genre d’auteurs, de répertoires vous attire particulièrement ?
J’aime les pièces qui me touchent, l’auteur n’a pas d’importance. L’essentiel est que l’œuvre soit intéressante. J’aime beaucoup quand je parviens à me projeter dans des pièces de théâtre, ou que je ressens un lien avec elles, je suis alors motivé pour travailler sur ces pièces.
Vous montez actuellement une pièce pour enfants, pensez-vous donner une place importante au théâtre enfants sous la forme d’ateliers ou de cours de théâtre ?
Il n’est pas facile de mettre en scène des spectacles pour enfants. Pour autant, j’aime beaucoup les enfants et je monte souvent des spectacles pour eux, avec beaucoup de soin. Les enfants ne peuvent pas être trompés et ils sont difficiles à convaincre.
Envie d'Asie centrale dans votre boîte mail ? Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter hebdomadaire en cliquant ici.
J’aime bien les contes colorés pour enfants. En plus du théâtre, je travaille toujours dans des écoles, je fais des ateliers théâtre avec eux, et c’est tout simplement merveilleux de travailler avec les enfants.
Le Théâtre Maïakovski a été détruit en 2016 et est actuellement en cours de reconstruction. Cette rénovation permettra-t-elle aux acteurs de travailler dans de meilleures conditions ?
En 2016, le bâtiment de notre théâtre-maison a été démoli et nous avons vécu ça très douloureusement. Mais nous travaillons, continuons, créons et vivons. Bientôt, nous aurons notre nouveau théâtre, il est en construction. Nous attendons avec impatience le jour où nous nous y installerons.
Lire aussi sur Novastan : Le théâtre Ilkhom sauvé mais poussé à déménager temporairement
Avec quels partenaires culturels tadjiks ou étrangers pensez-vous travailler ?
Nous travaillons souvent avec le centre culturel Bactria et chaque année nous mettons en scène des pièces d’auteurs français lors d’évènements liés à la culture française. Et j’espère vraiment que notre amitié et notre coopération dureront longtemps. On voudrait, bien sûr, coopérer avec beaucoup d’autres organismes, je pense qu’ils vont aussi nous prêter attention, et que nous pourrons travailler avec eux et développer notre coopération.
Propos recueillis par Amal Khanoum Gadjieva
Entretien préparé par Christine Wystup
Relu par Anne Marvau
Merci d'avoir lu cet article jusqu'au bout ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@novastan.org. Merci beaucoup !