Chaque automne au Tadjikistan, les coupures d’électricité se multiplient. La société nationale d’électricité affirme pourtant qu’il n’y a pas de restrictions. Les exportations d’énergie vers les pays voisins se poursuivent malgré les difficultés quotidiennes pour la population.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 12 octobre 2022 par Radio Ozodi, la branche tadjike du média américain Radio Free Europe.
C’est à nouveau l’automne et les plaintes concernant les coupures d’électricité dans les régions du Tadjikistan sont nombreuses. Les gens se plaignent que les autorités collectent les factures d’électricité à temps, mais les privent de chaleur et de lumière jour et nuit sans aucun avertissement.
Des coupures dans certains quartiers
Rajab Saidov, un habitant du quartier Jangalabod de la ville de Vahdat, dans l’ouest du Tadjikistan, déclare : « De huit heures du matin à six heures du soir, nous n’avons pas d’électricité. Ils n’en donnent pas la raison. Il fait froid. Nous avons un enfant à la maison. Le prix du charbon est élevé. La vie va devenir difficile. »
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Le responsable des réseaux centraux de distribution d’électricité, Khourshed Oumarov, a confirmé la panne de courant dans certains quartiers. Cependant, il l’explique par « la réparation de sous-stations, la coupe de branches d’arbres et la préparation pour l’hiver ». Les responsables de la société nationale d’électricité Barqi Tojik avancent le même argument depuis plusieurs années.
Des réparations en cours
Les habitants et certains commentateurs économiques disent qu’une telle interprétation de la situation est loin de la réalité et soulignent qu’aucune réparation n’est en cours dans leur lieu de résidence. Le 11 octobre 2022, il n’y a eu aucune réparation des sous-stations électriques dans le quartier de Jangalobod et dans aucune partie de la capitale, Douchanbé.
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Le président des réseaux de distribution d’électricité des districts subordonnés au Centre insiste sur le fait qu’il y a une réparation et qu’elle sera terminée ce mois-ci. « Nous réparerons par beau temps et nous fournirons l’électricité sans aucun problème après l’arrivée du froid », a-t-il ajouté.
Selon Payrav Chorshanbiev, un commentateur économique, la réparation des sous-stations électriques sera terminée avant l’hiver, « mais cela ne peut pas provoquer des coupures de courant pendant des heures ».
L’augmentation des prix de l’électricité
En 2022, les coupures de courant ont commencé dès la fin septembre. Habiboullah Mouhiddinov, un habitant du village de Changobi, proche de la ville de Hisor, a déclaré le 11 octobre 2022 que les restrictions avaient frappé à leurs portes plus tôt qu’il y a quelques années.
« Je suis allé au bureau communautaire pour obtenir un certificat. Ils ont dit qu’il n’y avait pas d’électricité. Les gens sont nerveux jusqu’à 5 heures. Les réfrigérateurs des magasins sont en panne, les produits sont endommagés. Ils ont augmenté le prix de l’électricité, mais pourquoi n’en fournissent-ils pas ? », se demande-t-il.
Les coupures d’électricité chez les particuliers se font sans explication ni avertissement, alors que le contrat entre le client et Barqi Tojik stipule que le client doit être informé avant la coupure. Les avocats évaluent le comportement des fonctionnaires comme une « violation des droits des clients ».
Les autorités affirment qu’il n’y a pas de pénurie d’électricité
Les coupures de courant ont inquiété non seulement les habitants de Douchanbé, mais aussi d’autres régions du pays. Les habitants des districts de Shamsiddin Shohin et Koushoniyon de la région de Khatlon dans le sud du pays ont déclaré aux journalistes du média tadjik Radio Ozodi qu’ils n’avaient pas d’électricité pendant la journée. Le même problème s’est produit dans la région de Soughd, dans le nord du pays.
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Rajabali Boyakov, un ingénieur des réseaux électriques du sud du pays, affirme que « des restrictions n’ont pas été imposées et qu’il n’y a pas de coupure de courant », mais il a refusé de donner plus de détails. Khourshed Oumarov, le chef des réseaux de distribution d’électricité des districts subordonnés du Centre, a déclaré : « l’approvisionnement en électricité dépend aussi de la météo. Nous espérons qu’il fera beau et que le débit de la rivière Vakhch augmentera. Il n’y aura pas de pénurie, si Dieu le veut, il n’y aura pas de restrictions. »
Des coupures pour économiser l’eau ?
Un responsable du réseau de distribution d’électricité du sud du Tadjikistan a déclaré, sous anonymat, avoir reçu l’ordre de Barqi Tojik de couper l’électricité jusqu’en décembre afin d’économiser davantage d’eau. Payrav Chorshanbiev précise que ce n’est pas la saison pour stocker de l’eau et que le Tadjikistan n’a pas de grands réservoirs pour prélever plus d’eau.
Dans le même temps, il a souligné que la vente d’électricité à l’étranger n’est pas transparente et que « les statistiques officielles sur l’exportation d’électricité sont plusieurs fois inférieures aux statistiques réelles ».
Une raison de la critique constante des autorités est que les jours où les gens manquent d’électricité à l’intérieur du pays, la vente d’électricité vers l’Afghanistan et à d’autres pays voisins se poursuit. L’approvisionnement en électricité de la population serait l’un des principaux problèmes du gouvernement tadjik, qui n’a pas encore été résolu malgré la construction de nombreuses centrales électriques. La dernière fois, en janvier 2022, les autorités ont officiellement imposé une restriction sur l’électricité dans les villages du pays, et cette limite a duré jusqu’au 4 mai de la même année.
Alicher Zarifi et Mahmoudjon Rahmatzoda
Journalistes pour Radio Ozodi
Traduit du tadjik par Jérémie Patot
Édité par Frédérique Faucher
Relu par Mathilde Garnier
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