Sujet toujours d’actualité, la liberté religieuse au Tadjikistan a récemment été qualifiée de désastreuse et jugée préoccupante par les organisations internationales. Dans cet Etat laïc à la population musulmane fervente, la pratique religieuse est un risque.
La situation de la liberté religieuse au Tadjikistan a été qualifiée de “désastreuse” dans le rapport annuel de la Commission des Etats-Unis pour la liberté religieuse internationale (USCIRF). Cette évaluation intervient seulement quelques jours après l’appel de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction, Nazila Ghanea, à repenser les lois restreignant la liberté religieuse, rapporte le média tadjik Asia-Plus.
Le 1er mai dernier, l’USCIRF a publié son rapport annuel, dans lequel elle décrit le Tadjikistan comme un pays qui a mis en œuvre une série de politiques criminalisant l’exercice de la religion. Cela concerne la majorité musulmane, mais aussi les minorités religieuses comme les témoins de Jéhovah, dont la religion s’est vu refuser l’enregistrement dans le pays. En conséquence, le Tadjikistan figure sur la liste des pays que l’USCIRF qualifie de « particulièrement préoccupants pour leurs violations systématiques, continues et flagrantes de la liberté de religion”.
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La liberté de religion, oui, mais…
Au Tadjikistan, la liberté de religion est théoriquement garantie par la Constitution. Toutefois, dans la pratique, ce pays laïc, où 96.4 % de la population est musulmane, est confronté à de sévères restrictions de culte.
Ces inquiétudes de la part de plusieurs organisations internationales et gouvernements occidentaux ne sont cependant pas nouvelles. Le pays est régulièrement critiqué pour avoir développé un cadre réglementaire visant à contrôler toute pratique religieuse. Dans le même temps, les autorités tadjikes justifient la restriction des libertés par la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme.
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La liberté religieuse au Tadjikistan a particulièrement diminué en 2011 en raison de la promulgation de la loi sur la liberté de conscience et les unions religieuses, créant un Comité d’Etat sur les affaires religieuses et réglementant les traditions, les cérémonies et les rituels.
Des interdictions qui se ressentent dans la vie quotidienne
Le contrôle strict des activités religieuses, déjà présent sous l’URSS, reprend de plus belle après la guerre civile, en 1997, lorsque le gouvernement adopte une politique visant à écraser la montée de l’islam politique. En 2015, le pays a interdit et déclaré association terroriste le parti d’opposition de la Renaissance islamique (PRIT).
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Dans la vie quotidienne, ces lois se traduisent par des interdictions. Par exemple, les jeunes de moins de 18 ans n’ont pas le droit d’entrer dans des lieux religieux ou de participer à des cérémonies religieuses, à l’exception des funérailles. Les moins de 35 ans ne peuvent pas effectuer le hajj. L’enseignement religieux est contrôlé.
Un code vestimentaire restreint le port du hijab et exhorte les hommes à ne pas porter la barbe, rapporte Ozodi, la branche tadjike du média américain Radio Free Europe. Un Comité spécial contrôle l’existence des lieux de prière, des mosquées et des autres centres religieux, nomme les imams, dicte leurs discours et contrôle la production de littérature religieuse.
Les églises et mosquées du pays sont autorisées par le gouvernement. Si elles ne sont pas enregistrées au niveau national, elles sont automatiquement considérées comme illégales. Le gouvernement a annoncé en 2022 que plus aucune église protestante ne serait enregistrée.
Les Nations unies appellent le pays à revoir sa législation
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion et de conviction, Nazila Ghanea, s’est rendue dans le pays du 11 au 21 avril dernier. Elle a remis en question les pratiques du gouvernement, qui sont loin des normes internationales en matière de droits de l’Homme.
Mais cette visite est également considérée comme une occasion pour le pays de revoir ses lois religieuses et de créer un environnement respectueux des croyants, en tenant compte des recommandations des experts de l’ONU et en laissant derrière lui le spectre de la guerre civile.
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A cet égard, Nazila Ghanea a appelé le Tadjikistan à réviser les lois et les pratiques relatives à la religion et aux convictions, rapporte Asia-Plus. « J’exhorte les autorités à aller au-delà de leurs préoccupations concernant l’extrémisme, le terrorisme et les discours de haine et à repenser la contribution positive de la religion et de la foi à une vie publique harmonieuse et prospère. La religion ou les convictions ne sont pas un facteur de risque majeur pour la vie publique : elles peuvent contribuer activement au développement, à la paix et à la compréhension mutuelle », a déclaré la représentante de l’ONU.
Des visites dans différentes régions
Au cours de sa visite, Nazila Ghanea s’est rendue dans la ville de Khorog, dans le Haut-Badakhchan, région où vit une minorité chiite ismaélienne.
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Elle a par ailleurs eu des entretiens avec les autorités gouvernementales et les groupes religieux, et a visité une prison où elle s’est entretenue avec des prisonniers politiques et religieux. Le gouvernement nie pourtant toujours l’existence de tels prisonniers dans le pays.
La rapporteuse signale que “le respect de la liberté de religion et de conviction doit se manifester dans les activités publiques et doit concerner tout le monde, y compris les femmes, les minorités religieuses, les enfants et les jeunes. Ils devraient être autorisés à jouir de cette liberté.”
Des condamnations régulières
La rapporteuse a également parlé avec Radio Ozodi des “problèmes de l’enregistrement des organisations religieuses, de l’accomplissement des rituels, de l’accès à la littérature religieuse et du fonctionnement des mosquées. Par exemple, les adeptes de la communauté ismaélienne au Tadjikistan n’ont que deux centres communautaires, distants d’environ 600 kilomètres.”
Dans ce contexte, les condamnations de personnes religieuses ne sont pas rares, que ce soit pour des faits avérés d’extrémisme ou non. Un homme de 51 ans, Abdoulkhannon Ousmonov, a été reconnu coupable le 14 avril dernier d’être adepte d’un mouvement salafiste interdit au Tadjikistan, de diffuser des vidéos et des messages radicaux sur Internet et d’avoir interdit à sa fille de faire des études. Il a été condamné à six ans d’emprisonnement, rapporte Radio Ozodi.
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Dans le même temps, une affaire illustre la détérioration de la liberté religieuse dans le pays : en juin dernier, une femme a été détenue parce qu’elle portait une robe noire pour commémorer la mort de l’un de ses fils. Elle a été emmenée au poste de police et battue. Après qu’elle et des membres de sa famille aient déposé une plainte officielle, la police les a menacés de 15 jours de prison, note le rapport de l’USCIRF.
Un droit fondamental remis en question par crainte de l’extrémisme
Marqué par l’ombre de la guerre civile, le gouvernement tadjik considère que ses politiques religieuses sont à la fois incontestables et nécessaires pour protéger la sécularisation de l’Etat et prévenir la radicalisation religieuse. La crainte de l’islamisme politique est bien réelle compte tenu de la montée de l’extrémisme et de la proximité de l’Afghanistan.
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Le sujet reste d’actualité en Asie centrale et n’est pas une question facile à résoudre. L’article 18 de la déclaration universelle des droits de l’Homme consacre que “toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion”. La liberté religieuse interagit en plus avec d’autres droits, comme la liberté d’expression, les droits des femmes, la liberté de conscience et le respect des minorités, aussi remis en question dans le pays.
Indira Ramírez
Rédactrice pour Novastan
Relu par la rédaction
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Pascal, 2023-05-10
La rapporteuse a ses raisons mais après son petit voyage, elle rentre aux États-Unis… Le gouvernement tadjik a sûrement réfléchi bien plus qu’elle au sujet..
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