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L’Ouzbékistan rentre dans le bal nucléaire

La construction de la première centrale nucléaire d’Ouzbékistan, et d’Asie centrale, a été annoncée lors de la visite surprise de Vladimir Poutine à Tachkent. L'Ouzbékistan s’associe à l’entreprise nucléaire russe d’État, Rosatom, pour créer une centrale nucléaire de faible puissance dans la région de Djizak, sur le lac Touzkan.

Rédigé par :

La rédaction 

Centrale nucléaire
L'Ouzbékistan progresse dans ses projets de nucléaire civil (illustration). Photo : Prosopee / Wikimedia Commmons.

La construction de la première centrale nucléaire d’Ouzbékistan, et d’Asie centrale, a été annoncée lors de la visite surprise de Vladimir Poutine à Tachkent. L’Ouzbékistan s’associe à l’entreprise nucléaire russe d’État, Rosatom, pour créer une centrale nucléaire de faible puissance dans la région de Djizak, sur le lac Touzkan.

Alors que les Kazakhs viennent d’approuver par référendum la construction d’une centrale nucléaire, les Ouzbeks ont déjà un pas d’avance. Le 27 mai dernier, le président russe en visite officielle à Tachkent a annoncé, en compagnie de son homologue ouzbek, Chavkat Mirzioïev, la signature d’un contrat pour la construction d’une centrale nucléaire dans la région de Djizak.

À l’occasion de cette rencontre, le directeur général de la société russe d’État Rosatom, Alexeï Likhatchov, et le directeur d’Uzatom, Azim Akhmedkhadjaïev, ont signé conjointement le contrat lançant la construction de six réacteurs de faible puissance. Chaque réacteur produira 55 MégaWatts (MW), soit 330 MW pour l’ensemble de la centrale, a rapporté l’agence atomique ouzbèke Uzatom.

Un choix qui remonte à 2017

Cette signature s’inscrit dans le contexte plus large du programme nucléaire ouzbek entamé en 2017, avec la création dès 2018 de l’Agence pour le développement de l’énergie nucléaire sous le Cabinet des ministres de la République d’Ouzbékistan, Uzatom. Dès le début, la Russie a été choisie pour porter ce projet, comme le résume le média ouzbek Hook.

Les autorités ouzbèkes avaient alors justifié leur choix par l’excellence opérationnelle de Rosatom, niant tout choix politique, rapportait alors le média ouzbek Gazeta. Ce choix était aussi dû à l’accompagnement du programme dès la formation des ingénieurs et à la compétitivité financière de l’entreprise russe.

Lire aussi sur Novastan : La série « Chernobyl » contraint les autorités ouzbèkes à justifier la construction d’une centrale nucléaire

En effet, les réacteurs russes RITM-200N retenus pour le programme ouzbek sont à la pointe des technologies nucléaires. Ils ont déjà fait leurs preuves et démontré leur efficacité dans le cadre du projet nucléaire naval russe 22220, où cinq brise-glaces ont été équipés de ces petits réacteurs, rapporte l’agence de presse russe TASS. En parallèle, une autre centrale nucléaire équipée de réacteurs RITM-200N est en construction en Yakoutie, selon Rosatom.

Le nucléaire, un intérêt global et centrasiatique

La signature de ce contrat s’inscrit dans un contexte de regain d’intérêt international pour le nucléaire.

« Partout dans le monde, nous constatons désormais un intérêt croissant pour la création de nouvelles capacités nucléaires, tant en termes de construction de centrales nucléaires de grande puissance que de projets de petits réacteurs modulaires », explique le directeur de l’Agence de l’énergie atomique de la République d’Ouzbékistan, Azim Akhmedkhadjaïev, à l’occasion de la signature du contrat.

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En effet, ce choix de l’atome pour l’Ouzbékistan précède de quelques mois celui fait par le peuple kazakh à l’occasion d’un référendum organisé le 6 octobre dernier. Quant au Kirghizstan, les autorités envisagent aussi la construction de petits réacteurs nucléaires pour répondre à la crise énergétique. Un mémorandum a d’ailleurs été signé avec la Russie pour ce projet, comme le souligne la branche kirghize du média russe Sputnik.

Les raisons du virage atomique ouzbek

Le 25 janvier 2022, l’Ouzbékistan, le Sud du Kazakhstan et le Kirghizstan connaissent un black-out total. En cause, le réseau énergétique unifié centrasiatique, qui a connu un court-circuit dans la centrale thermique de Syr-Darya en Ouzbékistan et une panne du côté kazakh. Les crises énergétiques se répètent chaque année.

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Dans ce contexte de réseau électrique vieillissant et de pannes très récurrentes, le nucléaire peut sembler être une solution sérieuse pour les pays d’Asie centrale, dans la mesure où cette énergie est constante et ne souffre pas de la saisonnalité comme les énergies renouvelables.

La construction de la centrale ouzbèke est également motivée par un fort développement économique qui doit être soutenu par un réseau électrique puissant et fiable. Azim Akhmedkhadjaïev considère que « selon les prévisions, en Ouzbékistan, la demande en ressources énergétiques doublera presque d’ici 2050 (…) et pour se développer économiquement, notre pays doit se doter, en plus des sources d’énergies renouvelables, d’une ressource de base. »

La protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ne semblent pas être les raisons premières du virage nucléaire ouzbek. Cependant, selon le média ouzbek Kun, le gaz représenterait entre 70 et 75 % de la production électrique ouzbèke. Limiter son usage en optant pour une énergie bas carbone ne peut qu’être un progrès en termes d’émissions carbone.

Le nucléaire, un pari risqué dans la région ?

Bien que les deux parties, Rosatom et les autorités ouzbèkes, assurent la rentabilité économique, la rapidité du chantier et surtout la sécurité renforcée de ce projet, certains doutes apparaissent et subsistent, notamment autour de la ressource en eau, note Gazeta. En effet, l’implantation sur le lac Touzkan fait craindre un approvisionnement insuffisant en eau pour le refroidissement du réacteur et, ainsi, un danger de fusion.

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Les craintes des habitants de la région de Djizak, évoquées par exemple dans les commentaires sous un post du média ouzbek UZ24, font écho au contexte croissant de sécheresses, d’augmentations des températures et de conflits de l’eau.

En plus de ce contexte climatique, l’Ouzbékistan est sujet à une forte activité sismique. Selon le site Podrobno, les citoyens peuvent être rassurés par la loi « sur la garantie de la sécurité sismique de la population et du territoire de la République d’Ouzbékistan » du 31 juillet 2021, le cahier des charges aux normes internationales ainsi que les études des conditions sismologiques du site de Touzkan.

Lire aussi sur Novastan : Kazakhstan : le nucléaire civil adopté par référendum

Cependant, le projet mené par Rosatom pose problème des deux côtés de la frontière. Si les citoyens kazakhs ont été consultés par référendum sur la centrale kazakhe, personne ne l’a été pour celle ouzbèke à une cinquantaine de kilomètres de la frontière. Des voix écologistes s’élèvent et craignent l’éventualité d’un accident, rapporte Radio Azattyq, la branche kazakhe du média américain Radio Free Europe. L’opposition au projet reste toutefois assez invisible dans les médias. Comme le souligne New Reporters, les critiques émanent principalement des bloggers écologistes.

Mathias Iochum
Rédacteur pour Novastan

Relu par Léna Marin

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Commentaires (2)

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Xavier, 2024-10-28

Très bon article
Clair avec des sources variées et identifiés

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Vincent Gélinas, 2024-10-31

Excellente nouvelle pour un Ouzbékistan qui dépend trop d’une source d’énergie. Un bouquet énergétique plus diversifié et moins émetteur de GES, c’est encourageant! Maintenant reste à voir comment ce sera construit: à la russe ou à l’ouzbèque?

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