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Bref portrait du comédien ouzbek Obid Asomov

Humoriste ouzbek, Obid Asomov était un acteur talentueux, au cinéma comme à la télévision, et le fondateur du théâtre Obid-A. Hook relate l’histoire de l’artiste, son attitude à l’égard de l’humour, son évolution et l’interdiction de ses spectacles en Ouzbékistan.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 14 décembre 2021 par le média ouzbek Hook. Depuis l'enfance, Obid Asomov aimait les représentations d’Arkadi Raïkine et de Mikhaïl Jvanetski. Ce qui lui plaisait était de traduire en ouzbek les monologues, préparer des spectacles et les présenter lors des activités scolaires. Il obtient son diplôme avec mention même si les enseignants se plaignaient souvent des bavardages et de son agitation. En dépit de ses talents innés d’humoriste, Obid Asomov décide de s’inscrire à l'école d’art Pavel Benkov. Pendant ses études, il perfectionne son art tout en travaillant à côté comme maître de cérémonie dans les mariages. Il dépense l’argent gagné en peintures et en toiles.

Tableau Obid Asomov
Tableau d'Obid Asomov.

Humoriste ouzbek, Obid Asomov était un acteur talentueux, au cinéma comme à la télévision, et le fondateur du théâtre Obid-A. Hook relate l’histoire de l’artiste, son attitude à l’égard de l’humour, son évolution et l’interdiction de ses spectacles en Ouzbékistan.Novastan reprend et traduit ici un article publié le 14 décembre 2021 par le média ouzbek Hook. Depuis l’enfance, Obid Asomov aimait les représentations d’Arkadi Raïkine et de Mikhaïl Jvanetski. Ce qui lui plaisait était de traduire en ouzbek les monologues, préparer des spectacles et les présenter lors des activités scolaires. Il obtient son diplôme avec mention même si les enseignants se plaignaient souvent des bavardages et de son agitation. En dépit de ses talents innés d’humoriste, Obid Asomov décide de s’inscrire à l’école d’art Pavel Benkov. Pendant ses études, il perfectionne son art tout en travaillant à côté comme maître de cérémonie dans les mariages. Il dépense l’argent gagné en peintures et en toiles.

Obid Asomov souhaitait poursuivre ses études à l’institut d’art Vassili Sourikov de Moscou. Cependant, il n’a pas réussi à s’inscrire à l’université. Les examinateurs ont noté le talent du jeune homme, mais toutes les places étaient prises. L’année suivante, Obid Asomov est entré à l’institut du théâtre dans la faculté d’art. Pendant ses études universitaires, il continuait de travailler comme maître de cérémonie et donnait des spectacles de comédie dans des maisons de la culture ainsi que des clubs.

Vie de famille

En août 1987, Obid Asomov rencontre une femme, Dilfouza. Un mois plus tard, ils se marient. Le couple a donné naissance à trois filles et un fils. Obid Asomov était un père attentionné. Lorsque ses enfants avaient de la fièvre, il ne pouvait pas se détendre avant de les avoir emmenés chez le docteur. Ses proches se rappellent qu’il se souciait tout aussi sincèrement des autres qui venaient lui demander de l’aide. Dans la famille d’Obid Asomov, il y avait comme tradition de célébrer les anniversaires dans des maisons de retraite, des foyers pour handicapés ou des orphelinats.

Photo d'Obid Asomov.
Photo dObid Asomov.

L’artiste ne mélangeait jamais sa vie personnelle avec sa profession sur scène. Dans la vie, il se considérait comme un homme ordinaire, un mari, un père et un grand-père qui doit se comporter de manière appropriée. Il aimait sa grande famille et plaisantait en disant : « Pour que je déménage à Moscou, il me faut un train de 33 voitures pour toute ma famille et mes amis. »Lire aussi sur Novastan : À Tachkent, une exposition pour explorer les racines de la culture ouzbèkePendant son temps libre, Obid Asomov aimait se retirer dans sa datcha. Il s’y reposait en pleine nature, appréciait l’air pur. Il peignait régulièrement, inspiré par les paysages. Mais même chez lui, il continuait à travailler dur, et sa famille a toujours été compréhensive envers son emploi du temps chargé.

Sa carrière dans le cinéma

C’est un rôle particulier, celui d’un directeur de cirque dans le film soviético-indien La loi de la jungle (1991), qui a changé son destin. À cette époque, il était déjà célèbre à Tachkent, lorsque Latif Faïziev, un réalisateur ouzbek, s’est rendu à l’un de ses spectacles. La performance du jeune artiste a plu au réalisateur et il l’a invité à jouer un rôle dans son film. Sur le tournage, il rencontre une star du cinéma indien : l’acteur Mithun Chakraborty.Après la sortie du film, il a été submergé par des offres d’autres réalisateurs. Il considérait avoir effectué son meilleur travail d’acteur dans la tragi-comédie de Jahangir Kasimov, Le géant et le nain (2003).Avec le cinéma sont venues la gloire et une véritable popularité. Il s’est lancé dans des tournées en Ouzbékistan et dans d’autres républiques de l’ex-union soviétique.« Vous savez, pour les acteurs, pouvoir prendre des photos avec le téléphone est un cauchemar. Avant, un admirateur qui voulait avoir une photo avec son acteur préféré devait trouver un appareil photo rare et coûteux. Aujourd’hui, quand je sors dans la rue, il y a toujours des gens qui veulent prendre une photo avec moi avec leur téléphone. Je ne pense pas que cela signifie qu’ils m’aiment tant que ça : ils le font juste pour le mettre sur leurs réseaux sociaux et se vanter. Ce malgré le fait qu’Obid Asomov n’est pas une superstar ! Pouvez-vous imaginer à quel point il est difficile d’être photographié 200 à 300 fois par jour ? C’est très fatiguant », expliquait Obid Asomov dans un entretien.

« Se moquer, c’est un mauvais rire »

La chose la plus importante pour l’artiste était de se produire sur scène. Il ne voyait son travail dans les mariages que comme une source de revenus. Il lui est arrivé de travailler sur une dizaine de mariages en une journée. Le coût de la prestation de l’artiste lors d’un événement variait entre 100 et 1 000 dollars.Il se produisait aussi devant des détenus et pensait que les prisons étaient le pire endroit du monde. L’acteur considérait que son professeur était Evgueny Petrosian. Il enseignait que seul le bien doit ressortir du rire. Obid Asomov séparait également l’humour en bon et mauvais. Il disait que « se moquer, c’est un mauvais rire. »

Obid Asomov et Yevgeny Petrosyan.
Photo dObid Asomov et Yevgeny Petrosyan.

Obid Asomov était très ironique envers lui-même. Tout en parlant de sa popularité, il disait : « Je suis un comédien ouzbek emblématique et une personne extraordinaire. C’est difficile pour moi de me cacher du public, même la nuit on me reconnaît. Ma voix est laide et rauque, je suis petit bien que j’ai toujours voulu être grand. »

L’interdiction de se produire

Entre 2009 et 2017, l’Ouzbékistan a interdit Obid Asomov de se produire. Pendant huit ans, il ne passait plus à la télévision, n’était plus invité à la radio et les médias ne parlaient plus de lui. Ceci dit, le conseil artistique des représentations ouzbèkes n’avait pas officiellement révoqué sa licence.Obid Asomov s’exclamait : « Au moins, ils ne retirent pas ma voix des films et des dessins animés. Apparemment, ils ont seulement banni ma tête. »L’artiste lui-même n’avait pas pleinement compris la véritable raison de son bannissement. Selon une des thèses, son humour railleur à l’égard des Ouzbeks contemporains à la télévision russe n’a pas plu à certains fonctionnaires de haut rang.Lire aussi sur Novastan : L’humour face à la censure : de quoi peut-on rire en Ouzbékistan ?En 2000 sort la comédie musicale Takhir et Zoukhra. Une des scènes montre un grand projecteur tomber sur l’acteur, qui reste couché au sol, couvert de sang et d’ecchymoses. Depuis, ces images sont devenues virales sur Internet, accompagnées d’une description selon laquelle il aurait été battu par les agents de sécurité de l’État à son arrivée en Ouzbékistan. Malgré le fait qu’Obid Asomov ait démenti à plusieurs reprises les rumeurs, elles persistent encore parmi de nombreux Ouzbeks.

Le refus des critiques à travers l’humour

Dilfouza Asomov a déclaré dans un entretien : « Mon époux était l’un des premiers humoristes ouzbeks à s’être produit à l’étranger. Il était toujours fier lorsque l’Ouzbékistan était mentionné dans d’autres pays. Il aimait beaucoup notre pays. Certaines de ses apparitions à l’étranger ne plaisaient pas aux hauts responsables. Un jour, il a été invité à un événement culturel en Ouzbékistan. À ce moment-là, il était à Moscou. Il n’a pas pu prendre l’avion à l’heure prévue et pour cette raison, sa licence lui a été retirée. Ses apparitions ont été interdites de diffusion. » Obid Asomov ne se moquait pas spécifiquement des différentes ethnies, mais plutôt des vices et des préjugés inhérents à tout le monde, quelle que soit l’origine ethnique. Il disait souvent : « Une nation qui ne peut pas rire de ses propres défauts n’est pas une nation. »L’artiste a très mal pris son interdiction et le difficile accès à l’information dans son pays natal. Bien qu’il ait essayé de ne pas le montrer, surtout à ses proches. L’épouse d’Obid Asomov notait que tout cela avait un impact négatif sur la santé de son mari.

Le retour

Après le décès d’Islam Karimov, l’ancien président ouzbek, les autorités lèvent l’interdiction d’Obid Asomov. En mai 2018, il est nommé directeur du studio de films d’animation au sein des studios Ouzbekfilm. En 2021, le studio est dissous. Depuis lors, les émissions et les films avec Obid Asomov font leur retour. Les scènes dans lesquelles l’artiste est présent ont cessé d’être censurées ; il est largement invité à participer à des entretiens et diverses émissions. En 2017, tous les cinémas du pays ont commencé à projeter la comédie musicale Ada emas, dada ! produite par Obid Asomov.

Obid Asomov sur un plateau tele.
Photo dObid Asomov sur un plateau télévisé.

« La scène s’élève au-dessus de la salle parce que la personne debout sur la scène est un artiste. Au-dessus du peuple, il est un chef d’orchestre culturel. L’artiste transmet la culture aux masses. Pour cette raison, il est très important de ramener la qualité et la haute culture sur les scènes de l’Ouzbékistan. Si Dieu le veut, j’aurai le temps d’y arriver. J’y tiens beaucoup », disait Obid Asomov en 2017.

Le départ

Obid Asomov était un homme de foi : il a effectué sept pèlerinages à la Mecque. Il ne cachait pas ses mauvaises habitudes, notamment le tabagisme et la consommation d’alcool, en disant qu’il était un pêcheur ordinaire. Dans l’une de ses interviews récentes, quelques semaines avant sa mort, l’artiste arrête l’entretien pour demander l’autorisation à la journaliste de fumer. « Je sais que fumer n’est pas bon et que c’est dangereux pour la santé, mais nous ne sommes pas pressés… », dit-il.

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Le 11 décembre 2018, l’artiste est hospitalisé. Malgré les soins, il meurt d’une crise cardiaque le 14 décembre 2018. Le lendemain, l’acteur est enterré dans le cimetière Kamolon à Tachkent.

La rédaction de Hook

Traduit du russe par Alexei Vasselin

Édité par Johanna Regnaud

Relu par Emma Jerome

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