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Cyber-espace et Asie centrale : Novastan a reçu Kevin Limonier

Spécialiste en cybersécurité dans les espaces post-soviétiques, Kevin Limonier a décrit la situation du cyber-espace centrasiatique. Un champ où la région est sous une large domination russe. 

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Novastan France a reçu Kevin Limonier le 13 février 2019 pour parler cybersécurité en Asie centrale.

Spécialiste en cybersécurité dans les espaces post-soviétiques, Kevin Limonier a décrit la situation du cyber-espace centrasiatique. Un champ où la région est sous une large domination russe. 

Le 13 février dernier, l’heure était à la cybersécurité en Asie centrale pour notre évènement mensuel à Paris, en partenariat avec l’association Russinalco. L’invité du soir : Kevin Limonier, chercheur associé à la Chaire Castex de cyberstratégie (IHEDN) et directeur scientifique de l’observatoire du cyberespace russophone. Devant près de 50 personnes réunies à l’Inalco, le spécialiste a évoqué la situation du cyber-espace en Asie centrale.

Avant d’arriver au cœur du sujet, Kevin Limonier s’est attaché à définir ce qu’il entendait par cyber-espace. De fait, pour le chercheur, le cyber espace est un nouveau lieu où s’exercent des rapports de force. En ce sens, le cyber-espace est difficilement distinguable de la géopolitique pour Kevin Limonier. Pour l’auteur d’un livre sur la cybersécurité dans les pays de l’espace russophone, la géopolitique a avant tout une dimension critique. Il s’agit de décortiquer des idées et d’affirmer que le savoir géographique est un pouvoir politique.

Un nouveau rapport de force

Appliqué au cyber, ce courant de pensée trouve sur sa route une spécificité. « Avec ce nouvel objet, la connaissance nécessaire pour établir un territoire n’est plus seulement le vécu, l’histoire, mais on doit aussi connaître les réseaux », a décrit Kevin Limonier. Et qui dit réseaux dit maîtrise de la donnée. « Aujourd’hui, les espaces numériques sont un nouvel élément central dans le rapport de force », a continué le chercheur.

Après avoir abordé une définition horizontale du cyber (Deep Web, Dark Web, protocoles TCP/IP) puis une définition verticale (Câbles, protocoles, plateformes, contenus), Kevin Limonier a abordé le sujet principal de sa conférence : la situation de l’Asie centrale dans tout cela.

L’Asie centrale relativement enclavée

Schématiquement, la réalité se résume à une situation de dépendance de la région à l’URSS, puis à la Russie. Le premier opérateur Internet soviétique, Relcom, débute ses activités en 1988, principalement à Moscou. Dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique, la connectivité arrive en Asie centrale. « Jusqu’en 2005, les nouveaux Etats sont connectés à Internet par deux réseaux : d’un côté, Relcom, basé à Moscou autour d’un bâtiment unique ; de l’autre, le câble Trans Asia Europe (TAE), qui partait de Francfort pour relier Shanghai », a expliqué Kevin Limonier. Ce dernier câble est aujourd’hui quasi inopérant, du fait d’un manque de puissance.

Cables Internet Asie centrale Trans Europe Asia
L’Asie centrale se branche principalement sur un câble reliant l’Europe à la Chine en passant par la Russie (en haut)

La situation évolue en 2005 avec l’arrivée de « l’autoroute des données », le Trans Europe Asia (TEA) : un nouveau câble souterrain partant d’Europe pour relier la Chine en passant par la Russie. « Ce câble a permis de désenclaver les pays de l’ex-URSS », a décrit Kevin Limonier. « Avant cela, la qualité de connexion entre les pays d’ex-URSS et le reste du monde était très variable », a-t-il poursuivi. Ce câble est devenu l’accès le plus simple pour les pays d’Asie centrale.

« Un niveau de dépendance gigantesque à la Russie »

Une situation qui place les pays d’Asie centrale en situation de forte dépendance à la Russie et entre eux, suivant leur position par rapport au câble. Ainsi, « le Kazakhstan joue un rôle essentiel car presque toutes les données pour l’Asie centrale passent par lui », a expliqué Kevin Limonier. Le Kazakhstan dépendant lui-même de la Russie.

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La conférence a attiré une cinquantaine de personnes.

Cet état de fait a ainsi permis aux Kazakhs de menacer les Kirghiz en 2017 de doubler le prix de leur Internet, l’entièreté de leur réseau passant par Astana. La situation s’est résolue par la suite sans grand changement.

Cette dépendance par les câbles se double d’une dépendance des données. Très friands des plateformes russes (Vkontakte, Odnoklassniki), les Centrasiatiques voient leurs données stockées en Sibérie, devenue « territoire disque dur » en Russie. Comme l’a résumé Kevin Limonier, « il y a un niveau de dépendance gigantesque à la Russie ».

La région, « zone d’entraînement pour les hackers russes »

Pour autant, cette dépendance a parfois du bon pour les gouvernements centrasiatiques. L’Asie centrale est ainsi relativement épargnée par les cyberattaques russes, du fait que la position de ces gouvernements n’est pas hostile à Moscou. Le Kazakhstan a également signé en juin 2018 un accord de cyber-sécurité avec le « grand frère » russe.

Reste tout de même que la région « semble être une zone d’entraînement pour les hackers russes », a estimé Kevin Limonier. La Russie a également équipé les services de renseignements kirghiz de son logiciel SORM, avec de forts soupçons que les Kirghiz soient écoutés par leur propre fournisseur.

La conférence s’est terminée par plus d’une demi-heure de questions enthousiastes de la salle. En partant, le public a notamment pu méditer sur une phrase de Kevin Limonier : « le cyber-espace, c’est comme voir la Terre depuis l’espace : on n’en voit qu’une partie à chaque fois, on ne peut pas tout voir ».

Merci à toutes et à tous d’avoir été parmi nous ! Notre prochain évènement aura lieu le 27 mars prochain : nous recevrons Adrien Fauve pour parler de la place du Kazakhstan dans l’échiquier mondial. Si vous souhaitez être informé-e de cet évènement et des prochains, vous pouvez vous inscrire par ici. Vous pouvez également soutenir Novastan en adhérant à notre association ou bien en donnant à partir de deux euros par mois.

A bientôt !

L’équipe de Novastan France

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