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De nouveaux membres du parti kirghiz des Sociaux-démocrates arrêtés

Courant janvier, les autorités ont procédé à des arrestations et des interrogatoires de membres du parti d'opposition des Sociaux-démocrates dans le cadre d'une affaire d'achat de votes. Le chef du parti, Temirlan Soultanbekov, en grève de la faim, a été maintenu en détention provisoire.

Rédigé par :

wonkur 

Janna Samycheva
Janna Samycheva, candidate du parti kirghiz des Sociaux-démocrates. Photo : Kaktus.

Courant janvier, les autorités ont procédé à des arrestations et des interrogatoires de membres du parti d’opposition des Sociaux-démocrates dans le cadre d’une affaire d’achat de votes. Le chef du parti, Temirlan Soultanbekov, en grève de la faim, a été maintenu en détention provisoire.

Le 12 janvier, Kadyrbek Atambaïev, fils de l’ancien président Almazbek Atambaïev et membre éminent du parti des Sociaux-démocrates, a annoncé l’arrestation de Janna Samycheva. Cela s’est produit dans un café à Bichkek.

« Notre candidate Janna Samycheva a été transférée du 10ème département du ministère de l’Intérieur vers le commissariat de police de Bichkek, sans aucune raison ni explication. Ces actions, surtout le dimanche, ressemblent à une tentative pure et simple de pression et d’intimidation », a-t-il déclaré sur son compte Facebook.

Lors de son arrestation, Janna Samycheva a dû laisser ses effets personnels sur place, dont son sac à main.

Kadyrbek Atambaïev a qualifié cet incident de « terreur politique » et de violation flagrante du droit. Il conclut : « De telles actions un jour de congé, sans attendre un avocat et au mépris total des procédures, indiquent clairement la pression politique et l’intention d’intimider notre candidat. Ce n’est rien d’autre qu’une démonstration de force. »

Pas d’accès à un avocat

D’après les informations de Kadyrbek Atambaïev, relayées par le média kirghiz Kaktus, ni les proches ni les avocats de Janna Samycheva ne savaient où elle se trouvait. Cette dernière ignorait jusqu’au motif de son arrestation.

L’intéressée a réclamé à être en contact avec un avocat. Malgré leur présence dans le bâtiment, ses avocats n’étaient pas autorisés à lui rendre visite, tout comme ses partisans, affirme le post Facebook. Selon les informations de la police municipale de Bichkek en revanche, deux de ses avocats étaient présents lors de l’interrogatoire.

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L’un d’entre eux, Askar Alymkoulov, a expliqué auprès de Radio Azattyk, la branche kirghize du média américain Radio Free Europe, qu’elle avait été interrogée par la police de Bichkek comme témoin au sujet de l’affaire des achats de votes par son parti pendant les élections municipales à Bichkek en novembre dernier. Elle a été libérée le jour même, après son interrogatoire.

Un autre membre interrogé le lendemain

Le lendemain, le 13 janvier, Kadyrbek Atambaïev a rapporté auprès de Kaktus qu’un autre membre des Sociaux-démocrates avait été arrêté par les autorités. Il s’agit d’Anarbek Kataganov.

Comme pour Janna Samycheva, ses avocats et ses proches n’étaient pas non plus informés du lieu où il se trouvait, selon Kadyrbek Atambaïev, ce qui constitue une violation grave des normes juridiques et morales.

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Anarbek Kataganov a pu raconter à Kaktus les détails de sa détention et de son interrogatoire par la police. Il suggère que cela s’explique par le fait qu’il ait pris la défense de Temirlan Soultanbekov, le chef du parti en détention provisoire.

Une arrestation sans avertissement

Selon son témoignage, il a été emmené au poste de police à 13 heures sans avertissement, où il a attendu seul pendant un moment. Il a été aussi signalé qu’il n’avait pas le droit d’une visite d’un avocat, bien que celui-ci ait été présent lors de l’interrogatoire.

« J’ai été convoqué comme témoin dans l’affaire engagée contre des membres du parti en novembre de l’année dernière. On m’a interrogé sur d’éventuelles actions illégales de la part du parti lors des élections, mais je ne sais rien. J’étais 32ème sur la liste et je n’étais pas très actif », a-t-il affirmé à Kaktus.

En parallèle, la police de Bichkek a signalé qu’Anarbek Kataganov avait été convoqué pour un interrogatoire, le même jour que Janna Samycheva, le 12 janvier.

Détention provisoire prolongée pour le chef du parti

Le 9 janvier dernier, le tribunal du district de Sverdlov à Bichkek a prononcé le maintien en détention provisoire de Temirlan Soultanbekov, dirigeant du parti des Sociaux-démocrates, tout comme l’ex-députée Irina Karamouchkina et Roza Tourksever, membres du parti, a rapporté le média kirghiz Kloop.

Cela a été décidé lors d’un procès à huit clos, tenu tard dans la soirée et sans la présence de partisans du parti, des proches, des accusés ainsi que des journalistes, relate Radio Azattyk. Selon la décision du tribunal, ils seront maintenus au centre de détention provisoire n°1 jusqu’au 13 février.

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En novembre dernier, les trois personnes ont été placées en détention provisoire, à la suite d’une perquisition du siège du parti par les forces de l’ordre et d’une audition de Temirlan Soultanbekov. Le ministère kirghiz de l’Intérieur avait lancé une procédure pénale pour achat de voix après la saisie d’un enregistrement audio impliquant Irina Karamouchkina et le candidat Daniyar Tcholponbaïev, diffusé sur les réseaux sociaux.

Décision de justice contestée

Le dirigeant du parti a depuis entamé une grève de la faim pour contester la décision qu’il a jugé illégale, d’après Kaktus.

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Son avocat, Aïbek Tourdouïev, a déclaré à Kloop que le juge n’avait aucune raison de prolonger sa détention et que la défense ferait appel. « L’enquêteur n’a pas étayé sa requête par quoi que ce soit de significatif – les mêmes mots sur l’ouverture d’une procédure pénale et la nécessité d’étendre l’enquête […] Nous ferons appel, bien que nous soyons convaincus que le tribunal de la ville confirmera la décision du tribunal de district. En général, nous nous cognons la tête contre le mur », a-t-il développé.

L’état de santé détérioré pour le chef du parti

Durant l’audience au tribunal, Temirlan Soultanbekov a été examiné par un médecin invité par sa famille car il ne se sentait pas bien. La docteur Asel Ataïeva a déclaré aux journalistes que l’homme politique cumule différents problèmes de santé et qu’il avait perdu 12 kg depuis sa grève de la faim.

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« Il est faible, ses mains tremblent, ses jambes ne s’articulent pas bien. Il avait des douleurs cardiaques, ce qui indique un dysfonctionnement musculaire. Le rythme cardiaque est irrégulier. […] Il est clair qu’il n’est pas en bonne santé d’un point de vue médical. Si cela continue, il risque de tomber dans le coma, ou sinon, de succomber à la mort », selon ses propos relayés par Radio Azattyk.

Malgré cela, son avocat estime que le juge n’en a pas tenu compte.

Soultanbekov, un prisonnier politique

En décembre dernier, l’Internationale Socialiste, regroupant les partis sociaux-démocrates du monde entier, a reconnu Temirlan Soultanbekov comme prisonnier politique, lors d’une réunion tenue à Rabat, au Maroc.

Peu auparavant, le Parlement européen a adopté une résolution sur son cas et exprimé sa préoccupation. En retour, le président kirghiz Sadyr Japarov a qualifié cette démarche de « décision prise sans preuves ».

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L’ancien médiateur du Kirghizstan, Toursounbek Akoun, dans sa publication Facebook relayé par 24.kg, réclame auprès du président sa libération. Selon lui, les poursuites pénales contre les Sociaux-démocrates sont discutables.

« L’augmentation des cas de détentions, d’intimidations et d’arrestations de membres du parti par les forces de l’ordre commence à ressembler à de la persécution politique. Cela va à l’encontre de vos paroles sur votre engagement dans la voie démocratique et légale », a-t-il déclaré à Sadyr Japarov.

William Onkur
Rédacteur pour Novastan

Relu par la rédaction

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