Confronté à des coupes claires beaucoup plus importantes que le reboisement, le Kirghizstan risque de perdre ses forêts d’ici cinq à six générations.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 21 septembre 2018 par le média kirghiz Economist.kg
D’après plusieurs études, une superficie forestière de 0,1 à 0,3 hectare par personne serait nécessaire pour assurer un taux optimal d’oxygène par personne et par an (400 kilogrammes). Selon les statistiques officielles, cet indice est de 0,2 hectare par personne au Kirghizstan, tandis que les données non officielles parlent de 0,1 hectare par personne. Il y a donc déjà un problème de pénurie de forêts dans le pays. Or, le faible taux de reboisement aggrave la situation.
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L’analyse de plusieurs dizaines de sources publiées par le Comité national de statistiques et d’autres organisations indépendantes a permis à Economist.kg de mettre en lumière une réalité : d’ici à 150 ans, soit cinq ou six générations, le Kirghizstan aura perdu toutes ses forêts et devra compter sur l’oxygène produit ailleurs.
Des données divergentes selon les sources
Selon les statistiques officielles, l’étendue des forêts au Kirghizstan en 2010 atteignait 1 117 000 hectares, soit 5,6 % de la superficie totale du pays. En divisant ce nombre par 6,3 millions de citoyens, on obtient un indice de 0,18 hectare de forêt par personne.
Le relevé, débuté en 2008 avec l’appui financier et technique de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a duré deux ans. Auparavant, les ressources forestières étaient relevées tous les cinq ans selon un procédé soviétique, pourtant obsolète. Le Kirghizstan a été le premier pays de la Communauté des États indépendants (CEI) à adopter une nouvelle méthode.
L’Agence kirghize de protection de l’environnement et des forêts a annoncé en septembre 2018 qu’elle allait procéder à un inventaire complet des forêts du pays en 2019. En avril 2020, rien n’a pour l’heure été publié.
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Un écho différent, peut-être plus proche de la réalité, provient de la plateforme en ligne Global Forest Watch (GFW). GFW est une initiative du World Resources Institute (WRI), en partenariat avec Google, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), l’Université du Maryland et le fournisseur international de systèmes d’informations géographiques Esri. Cette plateforme surveille en temps réel, à l’aide de satellites, la couverture forestière de la planète.
Les données de GFW pour le Kirghizstan sont plus pessimistes : en 2010, les forêts représentaient à peine 2,9 % de la surface du pays, c’est-à-dire 578 000 hectares seulement, soit presque deux fois moins que ce qu’annoncent les statistiques officielles. Au niveau mondial, cet indice place le Kirghizstan entre la Mongolie et le Zimbabwe.
La situation est d’autant plus grave que le pays subit une déforestation constante. D’après les analyses satellites, de 2001 à 2017, le Kirghizstan a perdu 2 400 hectares de forêt. En 2018, le couvert forestier national dépassait à peine les 465 600 hectares.
Selon le Comité national de statistiques, depuis 2010, les coupes dites sélectives et de soin des forêts ont représenté 408 000 hectares, soit 37 % de la superficie totale des forêts du pays. En quelles proportions les coupes claires et les coupes sombres ont-elles été opérées ? Silence assourdissant des autorités.
Une reforestation bien insuffisante et inégale selon les régions
La situation est encore plus dramatique si l’on s’intéresse au reboisement. De 2010 à 2017, seuls 13 000 hectares de forêts ont été replantés, soit à peine 1,2 % de la superficie actuelle totale des forêts. Autrement dit, pour chaque nouvel hectare de forêt reboisé, 31 sont abattus.
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D’après le Comité national de statistiques, les principales régions d’abattage sont celles de Djalalabad et d’Issyk-Koul, qui cumulent plus de la moitié de la déforestation totale. Entre 2000 et 2018, 212 000 hectares de forêt y ont été abattus. Pendant 17 ans, plus de 460 000 stères de bois (l’équivalent de 184 piscines olympiques) ont ainsi été coupés. Ce qui représente près d’1,4 milliard de soms (16,1 millions d’euros).
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La superficie de reboisement nationale est déjà restreinte, mais devient dérisoire selon les régions. Ainsi, la région d’Issyk-Koul, dans l’est du pays, est la plus sujette à la déforestation et la dernière en termes de reboisement.
Dimitri Denicenko
Journaliste pour Economist.kg
Traduit du russe par Pierre-François Hubert
Édité par Anne Marvau
Corrigé par Aline Simonneau
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