La rédaction de Open Asia Online s’est rendue au festival du développement social Bla Bla Fest qui abordait le rôle de la femme dans l’évolution de la société. L’occasion de faire le point sur le sexisme au Kazakhstan.
Novastan reprend et traduit ici un article initialement publié le 28 juin 2019 par le média Open Asia Online.
En 2018, le Kazakhstan était classé 60ème sur 144 pays dans l’indice de parité femmes-hommes établi par le Forum économique mondial (il était 52ème en 2017). En 2019, le pays a perdu 12 places pour se retrouver 72ème sur 153 pays. Malgré sa première place en Asie centrale, le chemin est encore long pour le Kazakhstan. Pour les participants du festival du développement social Bla Bla Fest ayant eu lieu en mars 2019, les stéréotypes sexistes jouent un rôle important dans les inégalités entre les femmes et les hommes.
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La documentariste Katerina Souvorova a ainsi remarqué que les filles qui optent pour des professions dites « typiquement masculines » sont rarement soutenues. « Plutôt que de se concentrer sur leur passion, elles doivent perdre leur temps et leur énergie à briser les stéréotypes », a-t-elle expliqué. La militante des droits de l’Homme et avocate Ayman Oumarova a déploré pour sa part l’absence de toilettes pour femmes dans les postes de police. Elle a également noté qu’un vent de révolte souffle ces derniers temps parmi les femmes, y compris les mères de familles nombreuses. Pour elle, les principaux problèmes proviennent des limites que se fixent les femmes elles-mêmes et des inégalités de droits entre les sexes dans la société.
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Maria Javier Brugarolas, directrice de la fondation Kazakhstan Foundation for Cultural, Social and Educational Development (KFCSED) qui promeut le développement culturel, social et éducatif et organisait le festival, a pris la parole pour expliquer son parcours. Cette ingénieure a grandi dans une famille de neuf enfants et plusieurs de ses sœurs ont choisi la même voie professionnelle. Si elle n’a jamais rencontré d’incompréhension lorsqu’elle travaillait en Espagne, les choses ont été différentes après son déménagement au Kazakhstan, où son activité était considérée comme masculine. Maria a constaté le manque de confiance, voire la peur, de nombreuses femmes dans leur parcours professionnel et a donc décidé de s’engager dans des projets sociaux pour développer le potentiel de leadership chez les femmes, afin que celles-ci puissent « se réaliser en tant qu’ingénieures, écrivaines ou mamans plutôt que d’attendre que quelqu’un le décide pour elles ».
Disparités salariales et opportunités de carrière inégales
Au Kazakhstan, l’inégalité se reflète notamment dans les salaires. Selon le rapport du Forum économique mondial, les perspectives de carrière et le salaire des femmes kazakhes représentent 73 % de ceux des hommes. Ce qui signifie que les Kazakhes gagnent en moyenne un tiers de moins que leurs homologues masculins.
Pour Moldiar Ergebekova, il est impossible pour les femmes de s’épanouir pleinement au Kazakhstan. « Malgré la majorité de femmes en milieu universitaire, on ne compte que 11 rectrices pour 120 recteurs, ce qui reflète une fois de plus les inégalités », a-t-elle souligné.
Les femmes dans les secteurs d’activité « féminins »
Elnoura Kassymova, directrice de l’École eurasienne des affaires et de l’entrepreneuriat, a noté qu’on attend des femmes la création de petites et moyennes entreprises dans les « secteurs féminins » comme l’industrie textile, la restauration ou les services. Mais la société kazakhe persiste à ne pas envisager les femmes comme des cheffes de grandes entreprises. « Les stéréotypes et l’absence de modèle les empêchent d’accéder à des postes de dirigeantes de compagnies pétrolières ou d’usines», a-t-elle expliqué.
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Ce que confirment les statistiques : d’après un rapport de 2018 du Forum économique mondial, seuls trois secteurs « typiquement féminins » de l’économie kazakhe, la santé, l’éducation et les services sociaux, offrent aux femmes un salaire sensiblement égal à celui les hommes.
Lutter contre les stéréotypes de genre
La fondation KFCSED s’est donnée pour mission de lutter contre ces stéréotypes, y compris ceux véhiculés par les femmes elles-mêmes. Le festival a également accueilli les centres de formation Kumbel et Kumbel PRO, soutenus financièrement par la fondation. Les étudiantes et les diplômées ont pu exposer leur vision du rôle de la femme.
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Natalia a ainsi expliqué comment elle est devenue cheffe de cuisine et les obstacles qu’elle a rencontrés. L’opinion de ses parents tout d’abord, mais aussi la conception négative du métier de cuisinière. Natalia voit avant tout sa formation comme une leçon de vie. « La volonté de faire ses expériences, la confiance en soi, l’amour de la profession, le goût de l’accomplissement : toutes ces leçons me serviront dans ma carrière professionnelle, mais seront peut-être aussi utiles à d’autres. Aujourd’hui, mes parents ont accepté mon choix et le respectent », a poursuivi la jeune femme. Elle remarque également que son métier n’est pas aussi simple qu’on peut le penser. « Tu traverses 15 fois la cuisine avec des casseroles de cinq kilos, tu te coupes les mains, tu te brûles avec de l’huile chaude. Tu ne prends pas le temps de manger à cause des commandes qui arrivent. Mais pour moi, c’est le pied. J’aime me couper, me brûler, me fatiguer, porter des ustensiles lourds, travailler tard et les week-ends parce que j’aime mon métier, il fait partie de moi. Il fait de moi ce que je suis », a conclu Natalia.
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Anastasia, étudiante, a également décrit son entrée au lycée d’enseignement professionnel. Ce qui lui importait n’était pas tant la profession visée que la possibilité d’obtenir une bourse. Les cours dans sons LEP « ne tenaient pas la route ». Aussi, quand elle a assisté à la présentation du centre de formation Kumbel, elle a été impressionnée par les gens, qui aimaient leur travail et y excellaient. « Après avoir été employée dans un grand hôtel, j’ai compris que l’hôtellerie était un secteur qui m’attirait et dans lequel je voulais m’épanouir », a-t-elle précisé. Malgré ses nombreuses appréhensions au départ, tout s’est déroulé à merveille. Pour Anastasia, la recette est simple : réfléchir moins, agir plus.
Au Kazakhstan, près de 300 organisations non gouvernementales sont dédiées aux droits de la femme. La fondation KFCSED en est un excellent exemple. Elle permet aux étudiantes de trouver leur vocation et leur enseigne d’importantes leçons de vie, de succès et de communication. Les initiatives de ce type contribueront à diminuer les inégalités liées au genre au Kazakhstan. C’est du moins tout le mal qu’on leur souhaite.
Ayman Kodar
Journaliste pour Open Asia Online
Traduit du russe par Pierre-François Hubert
Edité par Anne Marvau
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