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Comment la guerre en Ukraine se répercute sur l’émigration des Russes du Kazakhstan

La tendance d’émigration des Russes ethniques du Kazakhstan vers leur territoire historique s’est vue complètement bouleversée : le nombre de personnes quittant le pays a brutalement baissé. La guerre récente entre la Russie et l’Ukraine ainsi que la crise due au Covid-19 sont des éléments qui ont influencé ce changement de tendance. Néanmoins, les experts disent qu'il ne s'agit que d'une accalmie provisoire.

Rédigé par :

lvanier 

Traduit par : Fatimetou Hamoudi

Cabar

Petropavlovsk Kazakhstan
La ville de Petropavlovsk dans le nord du Kazakhstan, où vivent de nombreux Russes ethniques. Photo : Eurovaran/Wikimedia Commons.

La tendance d’émigration des Russes ethniques du Kazakhstan vers leur territoire historique s’est vue complètement bouleversée : le nombre de personnes quittant le pays a brutalement baissé. La guerre récente entre la Russie et l’Ukraine ainsi que la crise due au Covid-19 sont des éléments qui ont influencé ce changement de tendance. Néanmoins, les experts disent qu’il ne s’agit que d’une accalmie provisoire.

Le démantèlement de l’URSS a marqué le début d’une vague d’émigration importante du Kazakhstan vers la Russie. Pourtant, les années qui ont suivi ont montré une diminution conséquente de cet exode, notamment depuis la crise du Covid-19 en 2020 et la guerre entre la Russie et l’Ukraine deux ans plus tard. Les experts s’accordent à dire que cette situation n’est qu’une accalmie provisoire. Pourtant, les chiffres montrent que cette tendance d’émigration peine à reprendre.

C’est dans les années 1990, lors de la scission de l’URSS, qu’a commencé l’émigration massive depuis le Kazakhstan. Entre 1996 et 2000, plus d’un million de personnes ont quitté le pays. L’exode annuel pouvait atteindre jusqu’à 300 000 personnes.

Dans les années suivantes, ce flux humain a diminué. Au cours des années 2010, 20 000 à 40 000 personnes partaient du pays chaque année. Sept régions frontalières de la Russie ont contribué à cette émigration massive depuis le Kazakhstan, du fait de l’importante proportion de Russes ethniques au sein de la population. Dans ces régions, début 2022, entre un tiers et la moitié des citoyens de ces régions était russe. La région d’Atyraou, laquelle partage une frontière avec la Russie, constitue cependant une exception. Dans cette région, la part des Slaves a toujours été basse.

Ces dix dernières années, tous les ans, ce sont entre 1 000 et 4 000 personnes qui quittent la région. Les raisons de cet exode sont diverses : psychologiques, pour se rapprocher d’êtres chers, mais aussi économiques ou pour avoir accès à l’éducation en Russie. Il y a aussi des avantages particuliers obtenus à la naissance d’un enfant, ou pour ceux qui s’installent en Sibérie ou dans certaines régions orientales.

2020 : l’émigration diminue brusquement

En 2020, la tendance a brutalement changé. Les départs ont considérablement diminué. Alors qu’en 2019, 31 000  personnes ont déménagé du Kazakhstan, seulement 19 000 personnes ont quitté le pays en 2020. Dans certaines des régions limitrophes, la tendance était deux fois inférieure. La raison est simple : la pandémie a généré un confinement au Kazakhstan et en Russie, limitant ainsi les déplacements entre ces pays.

Ce n’est que fin 2021 que la vie a repris son cours habituel : les frontières se sont rouvertes et les communication ont repris. Néanmoins, les chiffres de l’année 2022 n’ont pas montré un retour au niveau pré-pandémique comme attendu. Au contraire, ils sont tombés encore plus bas : 14 800 personnes ont quitté le pays, contre 31 100 en 2021.

Les conséquences de la guerre en Ukraine

« Les sanctions (contre la Russie, ndlr), l’augmentation des prix et la mobilisation peuvent être les principales raisons du changement de la tendance de l’émigration de la population », relève Khalida Ajigoulova, juriste et sociologue, professeure associée de l’Université technologique eurasienne.

Lire aussi sur Novastan : Les Russes kazakhstanais, une population qui fluctue au gré de la guerre en Ukraine

Olga Simakova, sociologue, estime également que la raison probable du bouleversement de cette tendance est le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Néanmoins, selon elle, cette accalmie provisoire ressemble à l’étape pandémique. “Depuis 2014, nous avons pu observer une montée progressive de l’émigration, laquelle n’a été interrompue qu’en lien avec la pandémie et l’isolement du pays en 2020. Un an plus tard, en 2021, il était clair que les intentions migratoires n’avaient pas disparu mais avaient simplement été mises de côté en attendant des jours meilleurs », relève l’experte. Elle note aussi que cette baisse de départs vers la Fédération de Russie en 2022 est liée à la guerre.

“Si l’on regarde l’émigration dans d’autres pays tels que l’Allemagne, les États-Unis, l’Ouzbékistan ou le Canada, on peut constater que le rythme d’émigration se maintient. En outre, le fait que les candidats kazakhs continuent de demander des universités russes montre que l’émigration générale diminue », remarque Olga Simakova.

Que cela signifie-t-il pour le futur ?

Khalida Ajigoulova estime que les intentions migratoires des citoyens kazakhs d’ethnie russe baisseront dans les prochaines années, sur fond de guerre en Ukraine et de ses conséquences. L’économie et la sphère sociale de la Russie, même après la fin de la guerre, mettront du temps à se remettre.

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De plus, l’experte remarque qu’à cause du syndrome du stress post-traumatique chez les combattants en Russie, une forte montée de violence s’observe déjà dans la société et la sphère domestique. “Ainsi, déménager en Russie sera considéré comme dangereux et irrationnel au moins pendant les dix prochaines années », d’après Khalida Ajigoulova.

Olga Simakova rappelle que l’émigration est une étape très sérieuse et que les potentiels émigrants peuvent prendre le temps qu’ils veulent avant de se décider à partir. Les moindres changements, que ce soit dans le pays de départ ou dans le pays d’arrivée, peuvent influencer la vitesse de prise de décision. « Aujourd’hui, comme en 2020, la plupart ont remis leur décision de départ à plus tard et ont pris une position d’attente. Je suis sûre que nous n’assisterons pas à un changement radical dans les préférences en matière de pays de résidence permanente », assure Olga Simakova.

Aldiyar Aouïezbek
Sociologue et journaliste pour Cabar

Traduit du russe par Fatimetou Hamoudi

Edité par Léane Vanier

Relu par Eva Costes

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