Confrontés au stress hydrique, les habitants des villages du Sud du Tadjikistan sont contraints de récupérer l’eau de fonte. Bien que les autorités compétentes soient informées du problème, elles sont dans l’incapacité de préciser quand il sera résolu.
Le problème du manque d’eau dans le village de Lolazor du district de Vakhch de la région de Khatlon, dans le Sud du Tadjikistan, n’a pas été réglé depuis plusieurs années. Le village de Lolazor se situe dans la zone préalpine du terrain de Vahchkovsk, à 140 kilomètres au Sud de Douchanbé, la capitale.
Il y a dix ans, le village comptait environ 40 familles. Aujourd’hui, ce nombre a doublé, pour atteindre 80 familles, augmentant progressivement d’année en année.
Une région dont la croissance démographique se mêle avec stress hydrique
Les habitants du village de Lolazor disent que l’essor démographique de la population s’est accompagné d’une dépendance aux ressources hydriques, renforçant le manque d’eau. Il n’y a plus d’eau potable ni d’eau en quantité suffisante pour les exploitations agricoles.
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Un système de collecte d’eau improvisé par les habitants
Les villageois accumulent la majeure partie de l’eau à boire pour l’ensemble de l’année lors de la saison des pluies et des neiges.
« On collecte l’eau quand il y a de la pluie. Elle coule du toit par les écoulements dans des fosses spéciales. On l’économise, c’est suffisant jusqu’au milieu de l’automne. Et quand cet écoulement d’eau s’achève, alors nous en achetons », raconte Davlat Gaffourov.

Un autre habitant nommé Anvar raconte que durant l’ère soviétique, dans le village, il y avait bien plus de ressources en eau. Cette eau provenant de la rivière Vakhsh, acheminée par des tuyaux de canalisations, ne passe plus à cause de la vétusté des installations qui en bouchent l’accès.
Un cas de figure d’autant plus renforcé si l’année est marquée par de rudes conditions hivernales.
Pas assez d’eau pour se laver
« L’année où il y a beaucoup de pluie et de neige, on remplit les fosses d’eau. On accumule l’eau de pluie et de neige qui tombe des toits et on l’utilise pour boire, faire à manger et se laver », raconte Anvar.
Une autre habitante de Lolazor, Davlatmokh, dépeint un quotidien rythmé par une gestion de l’eau très minutieuse. « On économise sur tout, même pour se laver les mains et le visage, pour laver les vêtements. Quand il n’y a pas d’eau, nous sommes obligés de l’acheter. Comment est-il possible de se laver convenablement avec l’eau achetée ? On se lave très vite, et même les vêtements, nous ne les lavons pas comme il faut. L’eau des neiges et de pluie, on l’accumule dans des fosses, mais elle ne suffit pas », raconte Davlatmokh.
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Plus largement, ce phénomène de stress hydrique a des conséquences directes sur la récolte agricole.
Davlat Gaffourov s’exclame : « De quelle culture peut-on parler quand il n’y a pas d’eau ? Pas seulement à boire, mais également pour les activités agricoles. Nous avons des terres dites « bogars », à savoir des terres sèches, sans arrosage artificiel. Elles dépendent de la pluie et de la neige. Si les pluies vont bon train, on peut récolter, mais s’il y a de la sécheresse, alors il n’y a pas de récolte », explique-t-il.
L’impassibilité des autorités administratives sur cette question
Totchiddine Safarov, employé de la direction de drainage et d’irrigation de la communauté de Masial dans la région de Vakhch, confirme que certains villages de cette région sont dépourvus de système d’alimentation en eau. Toutefois, il a refusé de fournir des données chiffrées et n’a pas été en mesure d’indiquer quand les habitants retrouveront l’accès à l’eau potable.
De même, la direction régionale de Khatlon, interrogée sur la question de l’approvisionnement en eau, a refusé de communiquer des statistiques. La direction de la défense de l’environnement de la région de Khatlon a même décrit le problème de manque d’eau comme un enjeu régional, qui existe dans plusieurs districts.
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Il y a un an, les médias locaux écrivaient déjà sur le problème de manque d’eau dans les villes et régions du Sud du Tadjikistan. Le média Faraj avait rapporté en 2022 que près de 85 % de la population de la région de Khourosson était dépourvue d’un accès à l’eau potable. Cette pénurie d’eau potable et d’eau d’arrosage est un fait également confirmé par le représentant de cette région.
Un phénomène observable à plusieurs échelles
Kamol Kourbonov, un spécialiste de la défense de l’environnement dans la région de Khatlon, insiste sur le nombre sous-estimé de villages qui souffrent du manque ou de l’absence d’eau. La cause, selon lui, réside dans les outils d’irrigation endommagés, jamais rénovés, ainsi que dans des pompes datant de l’ère soviétique.
« Ce problème existe dans plusieurs régions. La solution serait d’attirer l’attention des organisations internationales qui travaillent dans la sphère de l’aide humanitaire », estime-t-il.
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Il attire également l’attention sur la terminologie employée pour désigner l’eau des rivières. En effet, le terme « ariks », qui signifie « canaux d’arrosage potable », ne convient pas, car cette eau n’a pas été filtrée.
Même dans les villes et les villages dans lesquels il y a de l’eau, on ne peut pas affirmer que l’accès à l’eau potable soit suffisant pour la population. Parce que, jusqu’à maintenant, il y a « des ruisseaux et des canaux qui se trouvent dans un état sanitaire déplorable », a dit Kamol Kourbonov.
La rédaction de Cabar Asia
Traduit du russe par Hamoudi Fatimetou
Edité par Emma Fages
Relu par Léna Marin
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