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Crash d’Azerbaijan Airlines : accusations, excuses, silence

Le crash d'un avion de la compagnie aérienne azerbaïdjanaise a suscité une enquête internationale et une vive réaction dans le monde. Des preuves de plus en plus accablantes émergent, alimentant la version selon laquelle l'avion aurait été la cible des systèmes anti-aériens russes. Les accusations du dirigeant azerbaïdjanais ont encore tendu l'ambiance politique, tandis que les internautes accusent le Kazakhstan de jouer le jeu de la Russie en gardant le silence.

Commémoration Aéroport Crash Azerbaïdjan
A l'aéroport de Bakou, des fleurs sont déposées pour les victimes du crash. Photo : Dilaver Najafov / Wikimedia Commons.

Le crash d’un avion de la compagnie aérienne azerbaïdjanaise a suscité une enquête internationale et une vive réaction dans le monde. Des preuves de plus en plus accablantes émergent, alimentant la version selon laquelle l’avion aurait été la cible des systèmes anti-aériens russes. Les accusations du dirigeant azerbaïdjanais ont encore tendu l’ambiance politique, tandis que les internautes accusent le Kazakhstan de jouer le jeu de la Russie en gardant le silence.

Le 25 décembre dernier, un avion civil quitte Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, pour Grozny en Tchétchénie. Mais le vol d’Azerbaijan Airlines (AZAL) n’atteint pas sa destination.

L’avion est retrouvé loin du Caucase, sur l’autre rive de la mer Caspienne, à Aktaou au Kazakhstan. Après les opérations de sauvetage commence une enquête internationale.

Dernier voyage : quand, où, comment ?

L’avion exploité par la compagnie aérienne AZAL était un Embraer-190, considéré comme sûr. Avant l’accident d’Aktaou, il y avait eu trois accidents mortels de ce type d’avion dans le monde, dont une attaque terroriste. Selon les données de 2020, la probabilité d’un accident d’avion Embraer est de 0,1 %, soit sept fois moins que sur un Boeing-767, rapporte le média kazakh Orda. Nommé Gusar par la compagnie aérienne, il a été utilisé pendant 11 ans avant la catastrophe.

Le Gusar a décollé pour son dernier voyage de l’aéroport Heydar Aliyev de Bakou à 7h49. Selon les données des services de suivi des vols, l’avion a disparu des radars environ 37 minutes après le décollage, puis est réapparu sur les radars au-dessus de la mer Caspienne. L’itinéraire final de l’avion est une ligne en zigzag tournée vers l’aéroport d’Aktaou.

Des 62 passagers et cinq membres d’équipage à bord, 38 sont morts et 29 ont survécu. Les six passagers kazakhs ont perdu la vie. Le ministère des Situations d’urgence du Kazakhstan a déployé ses forces rapidement pour sauver autant de passagers que possible.

Des conditions floues ne permettant pas le développement d’une théorie

Azerbaijan Airlines a affirmé dans un premier temps que l’avion avait percuté une nuée d’oiseaux, avant de retirer cette information. Cette version a aussi été évoquée par l’agence de l’aviation civile russe Rosaviatsia, relayée par le média kazakh Tengrinews. Des experts de l’aviation jugent cette théorie peu probable.

Selon le service de presse de l’aéroport de la capitale tchétchène, l’avion en provenance de Bakou avait été détourné vers Makhatchkala en raison du brouillard à Grozny. La région de Manguistaou, dans l’Ouest du Kazakhstan, a déclaré qu’une bouteille d’oxygène aurait explosé à bord de l’avion après une collision avec des oiseaux, rapporte Orda. Les passagers auraient alors commencé à perdre connaissance.

Le vice-Premier ministre kazakh Qanat Bozymbaïev a déclaré que les autorités kazakhes chargées de l’application de la loi mèneraient une enquête sur l’accident, sans suggérer d’acte criminel, détaille le média américain Radio Free Europe.

Le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev a ordonné la création d’une commission d’enquête le jour de la catastrophe. Il s’est également entretenu avec le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev deux jours après pour le tenir au courant du travail de la commission kazakhe. Le dirigeant azerbaïdjanais avait changé d’itinéraire pour revenir à mi-chemin d’une réunion informelle des présidents de la Communauté des Etats indépendants (CEI).

Un accident naturel ou d’origine humaine ?

Le 26 décembre dernier, Flightradar24.com, un site Internet suivant des vols dans le monde entier en temps réel, affirme que l’avion Embraer-190 aurait subi « des interférences GPS importantes ». Le même jour, Euronews affirme avoir reçu une confirmation exclusive par le gouvernement azerbaïdjanais « qu’un missile sol-air russe a provoqué le crash de l’avion d’Azerbaijan Airlines à Aktaou ». Selon les sources, le missile a été tiré sur le vol 8432 pendant une activité aérienne de drone au-dessus de Grozny. Les éclats ont touché les passagers et l’équipage de cabine lorsqu’ils ont explosé à côté de l’avion.

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Radio Free Europe parle également d’un passager survivant déclarant que l’avion avait fait trois tentatives d’atterrissage à Grozny et qu’à la troisième approche « quelque chose a explosé… Je ne dirais pas que c’était à l’intérieur de l’avion. » Un éclat d’obus a volé entre ses jambes et perforé un gilet de sauvetage.

Les sources gouvernementales ont aussi déclaré aux médias azerbaïdjanais AnewZ et Caliber.az que l’avion endommagé n’avait pas été autorisé à atterrir dans d’autres aéroports russes malgré les demandes du pilote pour un atterrissage d’urgence. Ce serait la raison pour laquelle il se serait dirigé vers Aktaou.

Conclusion préalable : une interférence externe

Le 27 décembre, le ministre du Développement numérique et des Transports de la République d’Azerbaïdjan, Rachad Nabiyev, déclare aux journalistes : « La première conclusion des experts est que les restes de l’avion au sol et les déclarations des témoins indiquent qu’il y a eu une interférence externe. Cependant, l’enquête déterminera quel type d’arme a été utilisée. »

Le député azerbaïdjanais Hikmat Babaoghlu déclare à Radio Free Europe le même jour qu’il y avait une « très forte » possibilité que l’avion ait été endommagé par un missile de défense aérienne russe. Il a déclaré que « les observations et conclusions tirées jusqu’à présent soutiennent l’idée que la théorie de l’avion abattu est la plus proche de la vérité ».

La Russie et le Kazakhstan ne sont pas néanmoins prompts à confirmer ces propos. Le porte-parole du président russe Dmitri Peskov insiste sur le fait que le Kremlin ne fera aucun commentaire sur l’accident tant que l’enquête ne sera pas terminée. « Actuellement, une enquête est en cours sur cet incident aérien, et tant que l’enquête n’est pas terminée, nous n’avons pas le droit de faire une évaluation et nous ne le ferons pas. Nous avons des autorités aéronautiques qui peuvent le faire, et ces informations ne peuvent venir que d’elles », a-t-il précisé.

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Le président du Sénat du Kazakhstan, Maoulen Achimbaïev, réagit aussi aux informations selon lesquelles l’avion aurait pu être abattu par un missile. Il suggère que de telles hypothèses sont sans fondement et de nature spéculative. Il a ajouté que tirer des conclusions sur la base de photographies est « hâtif ». Le président du Sénat a déclaré qu’une commission d’État avait été créée avec la participation d’experts du Kazakhstan, d’Azerbaïdjan et de Russie pour enquêter sur les causes de l’accident. Il a exhorté tout le monde à attendre les résultats officiels de la commission.

Le maître du Kremlin demande pardon

Le 28 décembre dernier, le service de presse du Kremlin publie un communiqué : « à l’initiative de la partie russe », les dirigeants azerbaïdjanais et russe ont discuté au téléphone. Le maître du Kremlin a présenté ses excuses à Ilham Aliyev « pour le fait que l’incident se soit produit dans l’espace aérien russe, a une fois de plus présenté ses condoléances profondes et sincères aux familles des victimes et souhaité un prompt rétablissement aux blessés ».

Pourtant, pas un mot sur la possibilité que l’avion Embraer 190 ait été visé par le système antiaérien russe. Pourtant, le communiqué même indique : « au moment où l’avion tentait d’effectuer un atterrissage au-dessus de l’espace aérien de Grozny, des drones de combat ukrainiens (UCAV) ont attaqué Grozny, Mozdok et Vladikavkaz, et les systèmes de défense aérienne russes ont repoussé ces attaques. »

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Compte tenu de l’image du leader russe, ces excuses ont été accueillies comme une agréable surprise par de nombreux analystes politiques.

« C’est à la fois stupide et malhonnête »

Le dirigeant azerbaïdjanais ne s’est apparemment pas contenté d’une simple excuse. Le lendemain de l’appel téléphonique, il est apparu à la télévision nationale, confirmant que la Russie avait « involontairement » frappé l’avion, dénonçant le fait qu’elle ait refusé de laisser l’avion atterrir, l’envoyant de l’autre côté de la mer, « espérant que l’avion s’écraserait dans l’eau et que les preuves disparaîtraient ».

Selon lui, la fermeture de l’espace aérien de la ville de Grozny a été annoncée après que l’avion a été abattu. « Cela montre une fois de plus qu’il y a ici des problèmes criminels très graves dans cette affaire », affirme-t-il.

« Les agences officielles russes ont avancé des versions sur l’explosion d’une bouteille de gaz. En d’autres termes, cela montre clairement que la partie russe a voulu étouffer l’affaire », a déclaré le président, ajoutant que l’avion avait été abattu par accident, et qu’il n’était pas question d’un acte terroriste délibéré. Il a déclaré que la Russie ne s’était pas excusée à temps et qu’au lieu de cela, des versions absurdes avaient été émises pendant les trois premiers jours.

« Les blessures infligées aux passagers et aux membres de l’équipage par les éclats d’obus qui ont transpercé l’avion sont évidentes. Attribuer cela à des oiseaux ou décrire l’explosion d’une bouteille de gaz est à la fois stupide et malhonnête », a martelé le président azerbaïdjanais.

Les boîtes noires retrouvées, reste à patienter

Le ministère kazakh des Transports a déclaré le 29 décembre que la commission chargée de l’enquête avait « décidé d’envoyer les enregistreurs de vol au Centre d’enquête et de prévention des accidents aéronautiques au Brésil », le pays qui a fabriqué le jet Embraer-190.

Aucune date limite n’a été fixée pour que les enquêteurs rendent publiques leurs conclusions, qui émaneront en dernier ressort des autorités du Kazakhstan. « L’extraction, l’obtention et la validation des données des enregistreurs de vol auront lieu dans les plus brefs délais », affirme l’armée de l’air brésilienne.

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Et début janvier, le laboratoire de l’armée de l’air brésilienne a en effet terminé la lecture de la boîte noire. Comme le rapporte le média brésilien Defesa em Foco, il a déclaré avoir envoyé les données du journal de vol à l’autorité kazakhe compétente enquêtant sur l’accident.

Des questions encore en suspens

Le rapport final n’a pas encore apporté de réponses à toutes les questions qui entourent cette catastrophe qui a plongé l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan dans un deuil national. Pourtant, alors que les autorités tentent de maintenir le dialogue politique, la souffrance des proches des victimes ne semble pas s’atténuer.

Peut-être que les résultats de l’enquête leur apporteront la réponse qu’ils désirent ardemment connaître : la mort de leurs proches est-elle due à une erreur, à un facteur humain ? Alors que cette question tourbillonne toujours, des bouquets de fleurs sont déposés devant l’entrée de l’ambassade d’Azerbaïdjan au Kazakhstan, les Kazakhs exprimant leur solidarité dans une douleur partagée.

Samad Alizade
Rédacteur pour Novastan

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