Responsables de la famille, mariées très jeunes et élevant parfois seules leurs enfants du fait de la forte émigration dans le pays, les femmes tadjikes ont fort à faire. Une situation délicate qui subsiste à force de courage.
Novastan reprend et traduit ici un article initialement publié par le Central Asian Analytical Network.
Au cours des 25 dernières années, les Tadjiks ont sans doute davantage souffert que tous les autres peuples de l’ancienne Union soviétique. Ils ont subi une guerre civile sanglante (1993-1997), l’effondrement de leur économie, le départ massif de travailleurs pour l’étranger mais aussi une corruption colossale, un manque de liberté et d’espoir dans un avenir meilleur.
Après la disparition de leurs maris ou de leurs pères, ou leur départ pour travailler en Russie, nombreuses sont les femmes issues de la société tadjike qui ont été contraintes de quitter leur foyer dans le but de rechercher de nouvelles opportunités. Le Central Asian Analytical Network (CAAN) évoque la vie des femmes tadjikes avec la chercheuse Svetlana Torno de l’Université de Heidelberg, en Allemagne.
CAAN : Est-ce difficile d’être une femme au Tadjikistan ?
Svetlana Torno : Oui, mais il est tout aussi difficile d’être un homme ! Il suffit de penser à la situation économique dans le pays, au fait qu’il y a un manque manifeste d’offres de travail ou d’emplois bien rémunérés, ce qui est à l’origine de la migration de la main-d’œuvre. Cela affecte aussi bien les hommes que les femmes, mais de manière différente.
J’étudie les relations entre la « charge », les tâches exercées, et les chemins de vie des femmes de Kouliab (dans le sud du Tadjikistan, ndlr) et de Douchanbé (la capitale, ndlr). Mes recherches s’intéressent plus particulièrement aux perspectives des femmes et donc sur les défis immédiats qu’elles doivent relever. Ici, il est important de noter que le travail qui doit subvenir aux besoins de tous les membres de la famille est divisé selon le genre et l’âge, j’appelle cela la répartition de la charge de travail. En des termes plus généraux, les hommes sont perçus comme ceux qui gagnent le pain quand les femmes doivent prendre soin du foyer, des enfants, des plus-âgés et des malades. Cela ne signifie pas que les femmes ne travaillent pas. Dans les faits, la plupart des femmes que j’ai rencontrées au cours de mes recherches ont été engagées dans des emplois formels ou informels au cours de leur vie. L’âge est également un facteur important de la répartition des responsabilités dans le foyer. Ici, les plus jeunes et les adultes exercent un rôle plus important dans l’apport de revenu et dans le travail physique au sein du foyer, que les générations les plus jeunes et les plus âgés.
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Ce modèle quelque peu simplifié ne permet pas de saisir toutes les complexités de la vie quotidienne au Tadjikistan, mais il montre que les individus ont besoin d’être compris comme appartenant à un groupe social plus grand, comme celui de la famille. C’est ainsi qu'à la première place des difficultés auxquelles les femmes font face, on trouve la situation sociale et économique de leurs familles. Cependant, elles peuvent changer en fonction de la période de la vie à laquelle on s’attache. Cette relation complexe est mieux illustrée par des situations de la vie réelle : j’ai rencontré beaucoup de jeunes filles qui, après avoir fini le lycée, souhaitaient aller à l’université mais manquaient de ressources financières à ce moment-là de leur vie, étant les aînés de plusieurs frères et sœurs, alors que leurs frères cadets ne travaillaient pas encore pour aider leurs familles à financer leurs études. En d’autres termes, le « temps » compte dans le contexte familial – ce qui n’est pas un facteur si évident lorsque l’on pense aux problèmes d’un pays à l’échelle macro-économique. Il est probable, si l’on revient à mon exemple, que ces filles seront bientôt mariées et donneront naissance à plusieurs enfants. Toutefois, si leur souhait d’étudier est toujours présent et que leurs maris respectifs soutiennent ce vœu, elles pourront suivre le plus souvent des cours à l’université à temps-partiel pendant que leurs belles-mères ou un autre membre du foyer prendra soin des enfants.
Les femmes d’âge moyen, de l’autre côté, s’inquiètent beaucoup du bien-être de leurs . . .
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