À temps exceptionnels, initiatives exceptionnelles. La crise du coronavirus et les mesures de confinement qui en résultent semblent décupler la créativité de tout un chacun. Grâce au groupe russe Izoizolyacia, l’Asie centrale laisse elle aussi libre cours à son imagination créatrice sur Internet. Reportage.
Novastan reprend et traduit ici un article publié le 30 avril 2020 par notre version allemande.
Messages humoristiques, vidéos amusantes sur les réseaux sociaux, musique depuis les balcons… toutes sortes d’initiatives spontanées se sont répandues sur le net pour chasser l’ennui durant le confinement. L’humour et l’art aident à traverser ces temps d’incertitude et d’isolement. C’est peut-être ce qui explique le succès d’Izoizolyacia, un projet artistique qui fait le buzz dans le monde russophone, y compris en Asie centrale.
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Izoizolyacia a été créé sur Facebook le 28 mars à Moscou par la directrice de projets Katerina Broudnaïa-Tcheliadinova. Ce groupe propose aux internautes de recréer chez eux des tableaux d’artistes célèbres, de les photographier et de les rendre accessibles sur Internet. Le nom du groupe, formé à partir des mots russes signifiant « art visuels » et « isolement », peut se traduire par « confinement artistique ».
Des « challenges » artistiques de la sorte n’ont certes rien de nouveau, mais cette initiative arrive à point nommé pour de nombreuses personnes désœuvrées du fait du confinement lié à l’épidémie de coronavirus. Rien d’étonnant donc à ce qu’en l’espace d’un mois, 570 000 personnes aient rejoint le groupe et que chaque jour environ 17 000 photos soient postées.
Mais parallèlement à sa fonction récréative en ces temps d’isolement forcé, ce mouvement donne également un nouveau souffle à la vie artistique, tout particulièrement quand sont représentés des tableaux peu connus à l’étranger, comme par exemple ceux des artistes d’Asie centrale.
L’art d’Asie centrale sur Internet
Si cette initiative, née à Moscou, s’adresse d’abord aux russophones, elle dépasse en effet largement les frontières de la Russie. Le groupe Facebook comptait ainsi 570 000 membres fin avril, dont environ un tiers en dehors de la Russie, surtout en Ukraine (80 000) et aux États-Unis (41 000 ).
Les pays d’Asie centrale prennent ensemble la sixième place avec en tout 12 000 membres le 30 avril, juste devant l’Allemagne. Comme les organisateurs l’ont affirmé à Novastan, ces chiffres sont susceptibles de changer, le nombre de membres augmentant chaque jour.
Les musées participent
Au Kirghizstan, Izoizolyacia a gagné particulièrement en popularité lorsque le Musée national des beaux-arts Gapar Aytiev de Bichkek, du nom du peintre soviétique kirghiz, a annoncé sa participation. Avec le hashtag #AytievDoma (« Aytiev chez vous »), cette institution encourage le public à choisir des œuvres de sa collection et à les recréer chez eux. Les photos de certaines de ces réalisations peuvent être visionnées sur la page Facebook du musée et sur Instagram.
Une participation particulièrement marquante est cette réalisation de l’ambassadeur britannique au Kirghizstan Charles Edmund Garrett. Il se met lui-même en scène, s’inspirant du Portrait du pilote Iskhakov par l’artiste soviétique Aleksandr Illarionovitch Ignatiev.
Il y a également des participants au Kazakhstan. Par exemple, à Almaty, Assel Adambaïeva s’est inspirée d’un tableau de Pablo Picasso, La Buveuse d’absinthe. Cette expert-comptable de 44 ans a déclaré au New York Times que pendant les périodes difficiles, les citoyens de l’ex-URSS avaient l’habitude de pratiquer l’art et d’y chercher un sens.
Mais les créateurs du groupe Izoizolyacia insistent sur le caractère non politique de leur action et déconseillent par conséquent de choisir des portraits d’hommes politiques ou de critiquer les photos des autres membres. Dans cette optique, la page Facebook contient un code de bonne conduite assorti de règles de participation applicables à tous les membres.
C’est justement ce caractère apolitique qui rend sans doute cette initiative si populaire. Il ne s’agit pas de se plaindre, de critiquer ou d’accuser. Internet ne connaît pas les frontières politiques et tous sont invités à participer, même les non-russophones. Il semble qu’à l’heure du coronavirus, l’art revête soudain une valeur nouvelle.
Julia Tappeiner
Rédactrice pour Novastan
Traduit de l’allemand par Bruno Cazauran
Édité par Valentine Baldassari
Relu par Aline Cordier Simonneau
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