Les autorités du Kirghizstan font pression sur le média indépendant kirghiz Kloop, en bloquant son site web après avoir refusé de censurer son contenu. Dans le même temps, la Kloop Media Foundation fait l’objet d’une plainte administrative devant les tribunaux, ce qui pourrait entraîner sa fermeture définitive.
En l’espace d’un mois, le média indépendant Kloop, connu pour ses enquêtes sur la corruption, a fait l’objet de deux actions de la part des autorités kirghizes, visant à le réduire au silence. La première mesure a été prise le 28 août dernier, lorsque le bureau du procureur de Bichkek a demandé aux tribunaux de la capitale de dissoudre la Kloop Media Public Foundation pour ses contenus « purement négatifs, qui visent à discréditer les représentants de l’Etat », rapporte le média américain Radio Free Europe.
L’autre coup a été porté le 8 septembre dernier sous la forme d’une lettre du ministère de la Culture dans laquelle les autorités, conformément à la loi sur les fake-news, demandaient à Kloop de retirer l’article intitulé L’homme politique Ravchan Djeïenbekov affirme avoir été torturé dans le centre de détention provisoire-1, faute de quoi le site serait bloqué.
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Le média bloqué pour deux mois
En réponse, Kloop a consacré un éditorial à la défense de son travail, arguant que la lettre du ministère n’expliquait pas quelles informations fausses ou inexactes avaient été publiées dans le document, qui rapportait des allégations de torture à l’encontre du prisonnier Ravchan Djeïenbekov. Le média affirme qu’il « ne supprimera rien, malgré les menaces de blocage, et luttera contre l’injustice des autorités kirghizes ».
“Quoi que les autorités du Kirghizstan tentent de cacher à la population, elles n’y parviendront pas. Nous ne céderons à aucune offre de compromis et, surtout, à aucune menace de fermeture et de blocage. Nous trouverons de nombreuses façons d’informer la population du Kirghizstan”, a appuyé le média.
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Comme le note Kloop, la version russe du média a été bloquée le 12 septembre dernier suite à l’entrée en vigueur d’une décision du ministère kirghiz de la Culture, basée sur la loi sur les fausses informations. La tentative de contester la décision du ministère a été rejetée. Kloop a également confirmé que, suite à cette décision, plusieurs fournisseurs d’accès Internet au Kirghizstan ont bloqué l’accès vers son site. La mesure restera en vigueur pendant deux mois.
Kloop, « préparé au blocage depuis longtemps »
Cependant, “préparé au blocage depuis longtemps”, le média a listé les moyens et options pour accéder à son contenu malgré le blocage. “Ce n’est pas pour rien qu’un site miroir [une copie du site, ndlr] imblocable est affiché sur la page principale de Kloop depuis le début de l’année : utilisez-le si notre site devient inaccessible”, note le média.
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D’après Kloop, le Comité d’État pour la sécurité nationale avait également déposé une plainte concernant un autre article publié sur le site : Kirghizistan impérial : pourquoi la République soutient la Russie. Les services de renseignement ont demandé au ministère de « prendre des mesures » pour retirer ces documents « afin d’empêcher la diffusion de fausses informations et de mettre fin à la manipulation de l’opinion publique”.
Dans les deux cas, les arguments étaient que les faits décrits « ne correspondent pas à la réalité ». En ce qui concerne l’article sur les relations russo-kirghizes, les autorités du Comité d’État kirghiz avait assuré dans la plainte que « dans le contexte des hostilités en cours entre la Russie et l’Ukraine, la diffusion de fausses informations peut conduire à une confrontation interethnique entre Kirghiz et Russes sur le territoire de la République kirghize », ajoute Kloop.
Un risque de fermeture
Le bureau du procureur de Bichkek a déposé une demande de dissolution contre la Kloop Media Public Foundation pour « des activités qui vont au-delà de celles prévues dans ses statuts ». Le communiqué affirme que Kloop n’est « pas répertorié dans le registre des médias d’État » et que sa charte ne prévoit pas la diffusion d’informations.
Cependant, « la majeure partie du document est consacrée à un sujet complètement différent : l’impact négatif présumé des publications de Kloop au Kirghizstan », précise Kloop. Dans le communiqué, le média est accusé de publier des informations visant à critiquer sévèrement le gouvernement. En effet, le document indique que les informations fournies créent une image négative du pays et de ses autorités, produisent des émotions négatives et encouragent la haine.
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Kloop, tel que décrit par Front Line Defenders, « est un média de défense des droits humains au Kirghizstan. Il a été fondé en 2007 et a été reconnu en 2010 pour sa couverture rapide et transparente de la révolution d’avril 2010 au Kirghizstan. Kloop s’efforce d’adhérer aux principes d’indépendance, d’impartialité, d’honnêteté et d’exactitude dans le partage d’informations importantes pour le public. Il a utilisé le journalisme d’investigation pour documenter les violations des droits de l’Homme, en se concentrant sur des questions telles que la corruption, les conflits armés et les abus dans ces contextes. »
La pression rappelle l’époque de Kourmanbek Bakiev
Le cofondateur de Kloop Bektour Iskender a déclaré au Comité pour la protection des journalistes (CPJ) qu’il pensait que « la demande de fermeture pouvait être liée à une enquête menée par Kloop le 22 août, alléguant que des parents du président kirghiz Sadyr Japarov et du chef du Comité d’État pour la sécurité nationale du pays étaient impliqués dans la construction d’une académie de football au Kirghizstan liée au club espagnol de Barcelone. » Le président a en effet vivement critiqué l’article, déclarant que des médias comme Kloop « n’apportaient que du mal et aucun bénéfice aux Kirghiz ».
Anna Kapouchenko, rédactrice en chef de Kloop, a également déclaré que « si le tribunal accepte la demande, étant donné la tendance qui existe au Kirghizstan en matière de liberté d’expression et de pression, cette demande sera satisfaite. Et notre fondation, qui s’occupe de création de contenu, sera très probablement liquidée. »
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Dans une interview accordée au média kirghiz Kaktus, Anna Kapouchenko a comparé la situation actuelle des médias à celle de 2010, lorsque Kourmanbek Bakiev était au pouvoir. « Nous avons remarqué que ceux qui critiquent fortement le gouvernement actuel, les militants des droits de l’Homme et les journalistes sont traduits en justice pour des cas complètement absurdes ; nous nous sommes retrouvés dans une série d’événements absurdes », a ajouté la rédactrice en chef.
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De nombreuses organisations internationales (Human Rights Watch, le Comité pour la protection des journalistes, Front Line Defenders, Freedom Now et d’autres) se sont déjà prononcées en faveur de Kloop et de la liberté d’expression et d’information, condamnant les mesures de pression du gouvernement du président Sadyr Japarov.
Indira Ramírez
Rédactrice pour Novastan
Relu par Charlotte Bonin
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Vincent Gélinas, 2023-10-3
En effet, ça ressemble à un retour à la case départ. Beau harakiri de la part des Kirghizes.
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